Publié le Mercredi 20 juillet 2016 à 13h16.

37e congrès : quel avenir pour le PCF ?

Le dernier congrès du PCF s’est tenu du 3 au 5 juin derniers, en plein mouvement contre la loi travail. Il a été dominé par la question des prochaines élections présidentielles : ira, ira pas, que faire avec Mélenchon parti seul sans rien demander à personne ? Ces questions ont été loin de faire l’unanimité…

Pour preuve, cette année, quatre textes alternatifs à celui de la direction étaient présentés, avec comme point commun le refus de la « primaire à gauche », dont la direction sortante avait fait son axe majeur pour 2017. Celle-ci a d’ailleurs changé plusieurs fois de position pour finalement accepter une primaire, mais sans Hollande... Pierre Laurent s’était fortement engagé dans les appels à la tenue d’une primaire de toutes les gauches lancés au début de l’année, au grand dam de certains au parti, qui ont vite vu le risque de se retrouver à la remorque du PS. Le PCF a depuis clarifié sa position : si primaire il doit y avoir, ce sera avec toutes les forces de gauche qui ne soutiennent pas la politique menée actuellement par Valls et Hollande.

Il faut dire que le PCF est pour le moins mal à l’aise dans la configuration politique actuelle. Ce n’est certes pas nouveau, mais l’embarras est palpable, et l’équation toujours aussi impossible : comment se démarquer du PS, de plus en plus honni des classes populaires, sans se couper de lui pour les législatives ? Le PCF est plus que jamais englué dans cette contradiction majeure.

 

Un parti affaibli et une direction contestée

Les résultats des votes pour le congrès montrent une nette érosion du nombre des militants. Cette année, ont été recensés un peu moins de 30 000 votants, contre 34 000 en 2013 et 49 000 en 2011. En cinq ans, il y a donc eu 40 % de votants en moins pour le congrès.

Les résultats traduisent une division importante au sein de l’appareil, puisque le texte de la majorité sortante ne l’a emporté que d’une courte tête (51,20 %). L’autre texte issu de l’appareil, « Ambition communiste pour un Front de gauche populaire et citoyen » (23,68 %), était porté notamment par Roland Leroy, ancien directeur de L’Humanité ou encore Nicole Borvo, ancienne sénatrice de Paris. Dans le même esprit, l’ancien conseiller régional de Garges-lès-Gonesse, Francis Parny, a été à l’initiative d’un texte de soutien à la candidature de Mélenchon, avec d’autres militants. Marie-George Buffet, quant à elle, s’est prononcée sur France 3 en faveur de cette position et est allée ostensiblement au meeting de Mélenchon place Stalingrad. Une partie de l’appareil soutient d’ores et déjà la candidature de Mélenchon, alors que la direction sortante se montre hésitante, de peur de couper les ponts avec le PS.

On trouve ensuite deux textes « de gauche ». Celui de Greg Oxley et de ses partisans (5,40 %), un courant trotskyste issu de la Tendance marxiste internationale (TMI), ayant fait le choix de militer dans le PCF en publiant le journal La Riposte, a une tonalité très anti-européenne et présente des propositions de socialisation des banques et des grandes entreprises industrielles et commerciales.

L’autre texte (6,86 %) représente ce qu’on pourrait considérer un « canal historique » du PCF. Ses signataires regrettent l’effacement du PCF dans la lutte de classes, ses compromissions électorales avec le PS et veulent revenir au parti communiste d’avant l’Union de la gauche. Emmanuel Dang Tran, secrétaire du PC dans le 15e arrondissement de Paris, parle de Marchais comme du dernier dirigeant qui a représenté la combativité du PCF. Dans son discours au conseil national du début de l’année, il affirmait : « nous sommes au début 2016 face à une violente politique antisociale : nous n’avons pas à rentrer dans le système politique qui renvoie tout changement éventuel à l’élection présidentielle une fois tous les cinq ans et qui laisse semer entre temps toutes les illusions électorales. A quoi même ont servi la campagne et le score de Mélenchon en 2012 («voter pour lui comme pour moi-même» dixit Mélenchon dès le soir du 1er tour), sinon à rabattre sur Hollande avant d’alimenter de terribles désillusion et résignation ? »

Entre ces deux textes, on trouve celui intitulé « Unir les communistes » (12,87 %), présenté par le collectif « Faire vivre et renforcer le PCF ». Ses auteurs ne souhaitent pas de candidature autonome du PCF, ne veulent pas de Mélenchon, ni de primaire, mais sont à la recherche d’une candidature du mouvement social, comme celle de Mickael Wamen, le leader CGT de Goodyear, explicitement nommé par plusieurs d’entre eux.

Finalement, le texte de la direction sortante, majoritaire, a été seul présenté au congrès, conformément à la tradition, recueillant 51 % des votants cette année, contre 73 % en 2013. Une chute considérable. La direction sortante est minoritaire dans 34 départements. Il s’agit là d’une contestation d’ampleur de sa politique.

 

La quadrature du cercle

Le problème du PCF est de trouver la meilleure façon de paraître opposé à Hollande et à son gouvernement, sans rompre avec le PS, car il a besoin de cette alliance dans la séquence qui suit le scrutin présidentiel, celle des élections législatives. Le PCF a besoin d’avoir le maximum de députés pour pouvoir disposer d’un groupe parlementaire et d’une assise dans la société. Or, pour atteindre cet objectif, il est contraint à passer des alliances avec le PS. C’est tout le dilemme.

Lorsque le parti communiste s’est engagé dans la démarche de front de gauche, en 2009, il espérait bien pouvoir conserver ainsi sa base territoriale d’implantation, quitte à laisser Mélenchon devenir candidat à la présidentielle. Or, ses espérances ne se sont pas réalisées : malgré le relatif bon score de Mélenchon (11,1 %), le nombre de députés communistes est passé de 16 en 2007 à 9 en 2012. Pas de quoi constituer un groupe parlementaire, et un retour à la case 1958, lorsque le PCF n’avait plus que 10 députés. En 2015, il a perdu ensuite plus du quart de ses conseillers généraux et les deux tiers de ses conseillers régionaux. Le Front de gauche n’a donc pas enrayé le déclin électoral du PCF. Ce qui engendre également un gros problème de ressources financières, qui se tarissent.

Une politique qui mène à l’impasse

Le PCF paie sa politique électorale passée, notamment son soutien aux diverses moutures de l’union de la gauche. Depuis 1981, la descente aux enfers ne s’arrête pas. En 1981, le PS revint au pouvoir après 23 ans d’opposition. Le « nouveau » PS était né en 1971, à Epinay, sur les décombres de l’ancienne SFIO, complètement déconsidérée et qui pesait tout juste 5 % des voix, alors que le PCF en obtenait 21 %.

Or, depuis 1971, la démarche du PCF avait été celle de l’union de la gauche, ce parti espérant ainsi revenir aux affaires dans un gouvernement de gauche. Pour ce faire, il a contribué à tresser à Mitterrand des lauriers de gauche. Le PCF a présenté Mitterrand, un politicien qui avait commencé sa carrière sous le régime de Vichy et fut onze fois ministre sous la IV° république, comme un homme neuf. Il a condamné tous ceux qui, y compris dans ses propres rangs, se posaient des questions sur cet homme qui fut ministre de la justice pendant la guerre d’Algérie, et refusa la grâce d’un militant communiste, Fernand Iveton, mort sous la guillotine.

Dans l’espoir d’être associé au gouvernement, Le PCF fit donc de ce politicien bourgeois le candidat unique de la gauche en 1974. Et pourtant, il était prévenu : Mitterrand ne s’était jamais caché de vouloir inverser le rapport de forces entre le PS et le PCF. Il y réussit au delà de toute espérance, l’électorat populaire préférant voter utile, donc pour le PS au lieu du PCF.

Ce dernier paya très cher cet alignement répété derrière le PS. En 2002, son candidat à la présidentielle, Robert Hue, recueillit à peine 3 %, et en 2007 Marie George Buffet descendit jusqu’à 1,93 %. Le PCF a perdu nombre de ses militants dans les entreprises et les quartiers populaires, victime  du mécontentement de la population qui se poursuit aujourd’hui, alors qu’elle subit plus que jamais l’austérité et la politique pro-patronale de la gauche gouvernementale représentée par le PS.

 

Le réformisme chevillé au corps

Ce parti qui, lors de sa création en 1920, était la section française de l’Internationale communiste, s’était constitué en réaction à la social-démocratie qui avait failli au moment de la Première Guerre mondiale, en se rangeant derrière ses différentes bourgeoisies nationales. Dès cette époque, les partis socialistes avaient montré leur volonté de collaboration avec le système.

Les différents partis communistes ont hélas rapidement perdu leur caractère révolutionnaire, à la suite de la stalinisation de l’URSS et fini par s’intégrer dans la société capitaliste. Cela s’est vu en 1936, où la politique du PCF a été de tout faire pour que la grève générale soit maintenue dans des revendications économiques et ne pose jamais la question du pouvoir. Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, dans laquelle ses militants avaient payé un lourd tribut à la barbarie nazie, le PCF s’est allié à de Gaulle. Des communistes ont occupé des postes ministériels et endossé notamment la politique répressive dans les colonies (comme les massacres de Sétif en mai 1945).

Le PCF s’est acharné à faire croire aux travailleurs que les élections pouvaient changer la vie, transformer la société, et que la gauche pourrait gouverner dans notre intérêt. A condition qu’il y ait des ministres communistes capables de « peser » sur les décisions. Espoir vain. Car aujourd’hui plus que jamais, dans cette période de crise aiguë du capitalisme, il y n’y a pas de place pour une politique réformiste. Les capitalistes ont entamé une guerre implacable contre les peuples, montrant ainsi nettement que le temps des réformes est terminé et a été remplacé par celui des contre-réformes, comme la loi travail en France notamment.

 

Régine Vinon