Publié le Samedi 23 juillet 2022 à 12h00.

Bordeaux : faire exister la contestation face à une gauche gestionnaire

Deux ans déjà que nous sommes entréEs dans les parlements bordelais et métropolitain. L’heure d’un bilan d’étape.

L’équipe Bordeaux en Luttes, unité de militantEs NPA, LFI, syndicalistes, associatifs, Gilets jaunes, a connu des difficultés, des disputes et des cassures. La période marquée par la crise sanitaire et les confinements, les mouvements anti-vax, les élections départementales et régionales, a contribué à dévoiler des désaccords importants. Nous en sortons fragiliséEs mais pas moins déterminéEs à faire entendre nos colères comme à rendre visible notre camp social, le « Bordeaux populaire » et ses souffrances sociales pour montrer l’urgence d’y répondre.

Une gauche de gestion

Les derniers conseils municipaux de Bordeaux (deux éluEs FI-NPA) et métropolitains (un élu NPA) restent révélateurs de la situation. Bordeaux et sa métropole sont dirigées par la « gauche » EÉLV, le PS et le PC, regroupée bien avant la Nupes. Cette « gauche », sans surprise, gère dans la continuité, sans bousculer les logiques ­économiques et politiques dominantes.

Le discours change un peu avec l’affirmation de préoccupations environnementales mais sans que cela se traduise réellement. Certes des arbres sont plantés, des cours d’école naturalisées, les constructions plus écolos. Mais contre l’artificialisation des sols qui provoquerait une confrontation face à la spéculation immobilière et au pouvoir des promoteurs, rien ne change. Ça bétonne toujours, l’argument étant qu’il manque des logements (ce qui est vrai) sauf qu’il faudrait mettre en cause l’aménagement du territoire et l’ordre des choses. En face, nous défendons un véritable service public du logement contre la ­domination du foncier privé.

Pour les autres « thèmes » environnementaux, pareil, il n’y a aucune confrontation avec le pouvoir économique des capitalistes. L’interdiction des pesticides, très polluants et dangereux pour la population, signifierait un conflit avec les grands propriétaires viticoles et leur organisation le CIVB (Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux). L’interdiction de l’accostage des paquebots sur les quais à Bordeaux supposerait un bras de fer avec les tenants de l’industrie du tourisme. Et puis sur la question des transports collectifs, la Délégation de service public (DSP) vient d’être prolongée avec Kéolis, pour huit ans, au lieu de choisir le service public des transports dans la métropole, refusant l’idée de la gratuité des transports pour toutes et tous, pourtant solution écologiste et sociale.

Ce « social » est loin d’être une priorité pour cette gauche gestionnaire. Aucune mesure exceptionnelle n’a été prise pour loger les sans-abris ou les personnes mal logées. Pas de réquisition ni de réappropriation du foncier privé. Pire, les squats collectifs pour réfugiéEs ou personnes sans domicile continuent d’être expulsés, même si les bâtiments occupés appartiennent à la mairie ou à la métropole. Les justifications sont toujours les mêmes : « Parce qu’il y a des problème de sécurité, parce que c’est à l’État de trouver des solutions, parce que les associations ne respectent pas leurs engagements… ».

Des réponses politiques, sociales, environnementales

Autre situation avec le plan de prévention de la délinquance qui vient d’être voté à Bordeaux. Certes, la gauche est moins réactionnaire, avec un discours « sécuritaire » plus nuancé, parlant de « tranquillité publique » : limitation de la vidéosurveillance mais davantage de policiers dans la rue, contre l’armement de la police municipale malgré la pression de droite. Sans nier l’existence de tensions et parfois de violences dans les quartiers, les réponses sociales sont incontournables.

Il est assez dingue que ce plan de « gauche » n’aborde pas les problèmes de chômage, de pauvreté, de mal-logement, de discriminations, d’oppressions… qu’il n’est pas question une seule fois de préserver et renforcer les services publics (les bureaux de poste disparaissent des quartiers populaires) en créant des structures publiques comme des dispensaires de santé, en recrutant des éducateurs de rue, du personnel dans les centres d’animation et sociaux… Des choses simples mais hors du champ de vue de cette gauche qui se contente de gérer la ville et la métropole « sérieusement » et dans les règles habituelles.

Alors notre équipe militante essaie de formuler des réponses politiques, sociales, environnementales, démocratiques. Nous titillons un peu ce pouvoir déjà bien installé, incapable de se remettre en question. Notre opposition de gauche essaie de montrer qu’une politique véritablement de gauche serait tout en rupture anticapitaliste, basée sur les services publics pour lutter contre la précarité et les discriminations, organisant la redistribution des richesses locales. Notre utilité c’est de faire exister la contestation sociale dans ces parlements si déconnectés des milieux populaires, avec la perspective que les mobilisations occupent vite la place, seule façon de bouleverser un ordre antidémocratique.