Les politiques des dernières décennies ont renforcé le côté obscur du système fiscal. Elles ont également accentué la dégressivité de l’impôt et l’injustice fiscale. Hollande s’inscrit dans cette continuité. Pour plus de justice, un bouleversement complet de la fiscalité est nécessaire mais il doit s’inscrire dans une politique de rupture avec le capitalisme, car une fiscalité vraiment juste est un rêve dans un système fondé sur l’injustice et l’exploitation.
Ayrault a annoncé le 18 novembre dernier une « remise à plat » de la fiscalité qui s’étendra sur tout le quinquennat. Dans l’immédiat, c’est la TVA, l’impôt le plus injuste qui augmente au 1er janvier. En matière de fiscalité, comme dans les autres domaines, le gouvernement Hollande-Ayrault s’est inscrit dans la continuité de la politique menée sous Sarkozy. Pire, en dix-huit mois, il s’est montré toujours plus favorable au patronat et aux plus riches.
« Je ne serai pas le Président qui reniera ses promesses… »
Lorsqu’Hollande n’était que candidat, l’un des thèmes majeurs de sa campagne était la « révolution fiscale ». La dite révolution devait remettre à plat toute la fiscalité, avec comme objectif de « redistribuer justement et financer efficacement ». A cette époque, les « socialistes » étaient unanimes à défendre ce projet, considérant à juste titre que l’impôt sur le revenu, truffé d’exonérations, de « niches » et d’abattements en tous genres, était devenu une passoire, et qu’il était même devenu dégressif, les plus hauts revenus étant les premiers bénéficiaires de tous ces passe-droits. La mesure phare de cette « révolution fiscale » était la fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée (CSG). Mesure en fait dangereuse qui mettrait en péril les recettes de la sécurité sociale.
L’objectif affirmé du candidat Hollande était donc un système fiscal redevenu progressif. Une fois les élections passées, après quelques mesures limitées (notamment l’instauration d’une tran-che supplémentaire de l’impôt sur le revenu), la promesse électorale d’une plus grande justice fiscale est vite tombée aux oubliettes et s’est réduite de plus en plus à un amoncellement de renoncements et de cadeaux pour les plus favorisé.
Un des premiers et retentissants renoncements fut de céder aux prétendus « pigeons », concernant la taxation des plus-values de cessions mobilières, ce qui mit un sacré coup à la prétention de taxer à égalité les revenus du capital et les salaires. Dans la foulée, le gouvernement décidait, à l’automne 2012, de maintenir en l’état la plupart des niches fiscales. Certes, toutes les niches ne bénéficient pas qu’aux riches, mais les stratégies d’optimisation et de défiscalisation restent l’apanage des plus aisés et leurs permettent d’alléger voire éviter l’impôt. Nous avons eu droit également à un pas de deux sur l’incorporation des œuvres d’art dans le patrimoine soumis à l’impôt sur la fortune (ISF)... pour au final y renoncer.
On peut encore citer le cas des résidences secondaires, que le gouvernement envisageait de soumettre à la contribution à l’audiovisuel public – mais il y a aussi renoncé. Le gouvernement n’a pas non plus annulé l’ensemble des allègements de l’impôt de solidarité sur la fortune mis en place par Sarkozy. Tout comme il n’est pas revenu sur le gel du barème de l’impôt sur le revenu (IR) instauré par son prédécesseur : une mesure injuste qui a frappé en 2012 environ 940 000 foyers fiscaux qui ne sont pas parmi les plus riches, mettant en péril des avantages sociaux liés au fait de ne payer l’IR.
Encore et toujours plus d’injustices
Après cette première année, le gouvernement Hollande-Ayrault s’est mis ensuite à déverser une pluie de cadeaux fiscaux pour les entreprises. Le plus important est sans aucun doute celui de 20 milliards d’euros sous forme d’un crédit d’impôt sous prétexte de compétitivité. Cadeau fiscal « sans contrepartie » et « sans contrôle fiscal ». Au moment même où la lutte contre la fraude fiscale, qui s’élève entre 60 et 80 milliards par an, est supposée être une priorité de ce gouvernement ! Cerise sur le gâteau, ce petit cadeau de 20 milliards sera à la charge des particuliers via notamment l’augmentation de la TVA à partir du 1er janvier 2014… poursuivant ainsi, encore une fois, le projet de Sarkozy et cédant aux revendications patronales.
Pendant ce temps continue le rabotage des dépenses publiques, notamment sociales.La droite dénonce le « trop d’impôt » mais, pour les classes populaires, il y a le sentiment de payer plus sans raison car les services publics sont attaqués et les cadeaux fiscaux n’empêchent pas les entreprises de licencier. Devant le mécontentement, Hollande et Ayrault annoncent une « pause fiscale ». Mais encore une fois, ce discours n’est qu’un leurre pour la majorité de la population. En effet, au vu du budget 2014, cette pseudo pause fiscale ne concernera dans les faits que les entreprises.
Toujours sous prétexte de compétitivité et de relance, la baisse de l’impôt sur les sociétés est programmée : le taux passera à 30 % au lieu de 33,3 % et son mode de calcul serait modifié. Dans le même temps est envisagée la suppression des réductions d’impôt pour les particuliers ayant des enfants scolarisés dans le secondaire et le supérieur. La hausse de la TVA, de 19,6 % à 20 % pour le taux supérieur et de 7 % à 10% pour le taux intermédiaire, touchera tous les ménages et d’abord les plus bas revenus. Sans oublier la future contribution énergie climat, qui taxera l’ensemble des consommations énergétiques à l’exception des énergies renouvelables. Dans le domaine de la préservation de l’environnement, ce n’est pas nous qui regretterons l’ajournement d’une écotaxe inefficace et dont la perception était privatisée. Seule (maigre) compensation pour les particuliers, la fin du gel du barème de l’impôt sur le revenu.
Vers un changement d’orientation fiscale ?
Dans un contexte de ras-le-bol fiscal de plus en plus fort et populaire, Ayrault a donc promis le 18 novembre dernier une « remise à plat de notre système fiscal » d’ici la fin du quinquennat. Il veut « des règles plus justes, plus efficaces et plus lisibles » en matière d’impôts. Il remet sur le tapis la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Mais le premier ministre prévient tout de suite que le gouvernement ne reviendra ni sur les 20 milliards de cadeau aux entreprises, ni sur la hausse de la TVA. Le gouvernement continue de plus belle sa politique d’austérité : Ayrault a confirmé une réduction des dépenses publiques de 15 milliards d’euros par an dans les années à venir.
Dans le même temps, la loi de finances (budget 2014) et la loi de financement de la sécurité sociale confirment la politique menée depuis 18 mois, celle qui protège une minorité et renforce les inégalités sociales et fiscales. Cette « remise à plat » ne présage en aucun cas plus de justice.
Sandra Demarcq