Symbole du capitalisme global et du travail à la chaîne, l’entreprise McDonald’s est également une championne en matière de management de la peur. SoumisEs aux humiliations et aux intimidations des managers et à des conditions de travail éprouvantes, les salariéEs du McDonald’s de Douai-Vauban (dans les Hauts-de-France) se sont misEs en grève le 13 et le 14 décembre 2022. Un début dans la prise de conscience collective qui semble d’ores et déjà avoir donné ses fruits. Entretien avec Virginie, une jeune salariée McDonald’s de Douai-Vauban ayant participé au mouvement de grève.
Pourriez-vous vous présenter en précisant aussi depuis quand travaillez-vous chez McDonald’s et quelles sont vos tâches ?
J’ai 22 ans et je suis à McDo depuis fin mars 2022. Mes tâches, j’en fais beaucoup. C’est un peu vaste car je suis formée à la fois pour travailler au comptoir et en cuisine ; je peux par exemple faire cuire les steaks, préparer les sandwiches et les poulets frits mais aussi prendre les commandes du drive. Je peux tout faire en fait !
Comment est composée votre équipe ?
Sur le terrain, on va toujours avoir un manager ; il y en a quatre, un homme et trois femmes, et on a une directrice qui vient de temps en temps au restaurant. Au niveau des employéEs, c’est très variable car puisque c’est McDo, il y a beaucoup d’employéEs qui ne restent pas longtemps, donc on est souvent en sous-effectif, c’est pour cela que je ne pourrais pas vous dire un chiffre exact.
Y a-t-il une formation ?
Oui, ce sont les employéEs qui forment. Donc, par exemple, si demain il y a un nouveau qui arrive ça va être à moi de le former et je ne vais pas toucher plus. Je sais que, dans l’équipe, il y a une personne qui travaille au McDo depuis une quinzaine d’années et avant elle avait le statut de formatrice et elle était payée plus, mais maintenant ils lui ont retiré ce statut-là et c’est donc à tout un chacun d’assurer la formation. Les conditions ont empiré car ils essaient de faire des économies sur tout.
Qu’est-ce qui a déclenché la grève ?
À la base, le mouvement a été déclenché par les insultes et l’humiliation sur le terrain. Je peux vous citer plusieurs exemples : nous avons une manager qui s’amuse à faire des réflexions sur les employéEs, elle s’amuse à dire que les employéEs puent et ce n’est que la réflexion la plus légère. À la veille de la grève, cette même manager a pris plusieurs employéEs dans son bureau, elle fermait la porte derrière elle pour les intimider et leur dire que la grève ne servait à rien et qu’à notre échelle on n’allait pas pouvoir changer grand-chose ; elle a aussi commencé à intimider les collègues qui voulaient évoluer dans leur poste en leur disant que s’ils faisaient grève ils n’allaient pas pouvoir devenir manager.
Comment êtes-vous organiséEs ?
Noémie, ma collègue, a souscrit à Force ouvrière. Il y a des représentantEs de Force ouvrière qui sont venus pendant les journées de grève pour échanger avec nous mais ça va s’officialiser à partir de janvier. Les personnelEs ne sont pas syndiqués pour l’instant mais on essaye de tout mettre en place car au vu de tout ce qui se passe on trouve que ce n’est pas normal qu’il n’y ait pas un syndicat au sein de notre équipe.
Quelles sont vos revendications ?
Nous demandons un 13e mois mais le franchisé nous a expliqué que le 13e mois n’était pas possible ; il s’est appuyé sur un tas de chiffres d’affaires et il nous a dit que, concrètement, notre 13e mois ce sont « les chaussettes et le coffret vert ». Là-dessus, on n’a donc toujours pas d’avancées concrètes. Nous demandons également une augmentation des salaires pour les aligner avec l’inflation. Là aussi, ils nous ont expliqué que ce n’est pas possible. Il y a également le respect des préavis, c’est d’ailleurs l’une des questions pour lesquelles on a fait grève car la directrice s’amuse à dire à tout le monde que le préavis quand on démissionne est de trois mois sauf que, selon la loi, si on travaille de six mois à deux ans dans l’entreprise McDo le préavis est de deux semaines. On ne trouve pas ça normal. Une fois une collègue a déposé un préavis de deux semaines comme prévu par la loi et la manager a dit en gros : « Si tu ne veux pas respecter le préavis casse-toi, je ne veux plus te voir ».
Le modèle de management semble être extrêmement violent...
Oui. Chez McDo, le but principal est de ne pas se tromper dans les commandes mais cela arrive malheureusement ; tout le monde peut faire des erreurs. Quand j’ai fait une erreur, le manager m’a dit : « Si tu es nulle à ce point-là dans ton travail il vaut mieux que tu démissionnes » et c’est ça constamment. Il y a des nouveaux qui sont là depuis quelques jours et ils ont déjà envie de partir car on leur met la pression sur les épaules alors qu’ils découvrent le métier, et ces choses-là sortent de leurs bouches tous les jours. De ce fait, nous avons beaucoup d’arrêts pour dépression dans l’entreprise.
La franchise a-t-elle un impact sur les conditions de travail ?
Oui. On a un franchisé qui a 30 % des parts de plusieurs restaurants du coin. Ils nous mettent en concurrence parce qu’en gros le restaurant voisin (cela va vous sembler tout bête ce que je vous dis) a vendu beaucoup de macarons et, depuis, à chaque commande, nous sommes obligés de proposer des macarons à 1 euro à chaque clientE. Si on n’arrive pas à vendre assez de macarons aux yeux de la directrice, on peut avoir un rapport et, au bout de plusieurs avertissements, on peut être viré.
Comment voyez-vous la suite ?
Pour l’instant, on a agi avec les moyens du bord, deux jours de grève c’est peu mais ça correspond aussi au niveau du salaire car quand on touche 800 euros par mois, deux jours retirés du salaire, c’est déjà énorme. On devrait faire plus par la suite car déjà il va y avoir le syndicat et pourquoi pas essayer de nous faire entendre beaucoup plus. Avec ma collègue, on réfléchit notamment à la possibilité de contacter d’autres travailleurEs de McDo pour voir si chez eux aussi ça se passe comme ça et voir ce qu’on peut faire à une échelle plus large. Et pourquoi pas recommencer une grève ? On a déjà pu apprécier les conséquences de la grève du 13 et du 14 décembre, on voit déjà une petite amélioration au niveau du comportement des managers mais bien sûr cela n’est pas suffisant et on ne va pas s’arrêter là.