Publié le Lundi 28 octobre 2019 à 09h26.

Les propositions du NPA pour la Sécu, des ingrédients d’un projet de société

Au sortir de la guerre dans une période de fortes pénuries, l’ordonnance du 4 octobre 1945 posait les fondements de la Sécurité sociale : « protéger les travailleurs et leurs familles contre les aléas de la vie ». Elle avait pour objectif de couvrir à terme « des risques de toutes natures ». Elle énonçait un principe fondamental : « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins », un principe incompatible avec la logique du capitalisme où domine la règle du profit. L’application de ce principe a permis la solidarité entre bien portants et malades, entre les salariéEs et les retraitéEs, avec les familles nombreuses, et plus tard dans le cadre de l’Unédic entre salariéEs et privéEs d’emplois. Les créateurs de la Sécurité sociale voulaient la démocratie sociale. L’outil de cette solidarité était la cotisation sociale, prélevée sur la richesse produite et donc amputant le profit patronal. Un peu plus de deux ans après, on pouvait déjà lire dans le Monde que « la Sécurité sociale est devenue pour l’économie une charge considérable1 », un refrain continuellement répété. Les bienfaits de la Sécu ont été nombreux pour la santé et l’espérance de vie, pour l’aide apportée aux familles, pour les retraitéEs… Mais la bourgeoisie, ne voulant pas accepter la Sécu, a multiplié les attaques depuis plus de cinquante ans en s’attaquant aux fondements de la Sécu, notamment à son financement. Il est donc nécessaire de reconquérir la Sécu, de la développer en tenant compte des besoins sociaux  actuels. Les principes édictés en 1945 restent d’actualité et doivent être adaptés à une société où la richesse produite est infiniment plus importante que dans l’immédiat après-guerre. 

L’unicité 

Nous voulons une caisse unique de Sécurité couvrant les risques de toutes natures. Il faut donc réunifier la Sécurité sociale et l’élargir. Mais les régimes spéciaux (maladies et retraites), ne peuvent disparaître que si toutes les prestations sont alignées vers le haut, une condition sine qua non. Il faut  tenir compte des conditions particulières, comme le travail pénible et les inégalités qui touchent les femmes et les précaires, les corriger et apporter des compensations à toutes les personnes concernées, y compris à celles qui n’en bénéficient pas actuellement.

Nous voulons supprimer les complémentaires santé et retraites en intégrant au sein de la Sécu leurs biens et leurs personnels, comme cela a été réalisé en 1945 après la disparition des assurances sociales. Enfin tous les risques sociaux doivent être pris en charge dans le cadre de la Sécurité sociale, cela concerne actuellement le chômage et la perte d’autonomie.

L’universalité

Nous voulons un système de Sécurité sociale généralisé à toute la population sans exclusive. Il faut supprimer toute les discriminations qui touchent les immigréEs comme par exemple les Chibanis2. Il faut arrêter de stigmatiser les sans-papiers et les plus pauvres qui reçoivent des prestations d’un niveau inférieur aux autres assurés sociaux et donc supprimer la CMU, ainsi que l’AME3 qui risque d’être réduite à portion congrue avec la réforme annoncée par le gouvernement4

L’uniformité

Nous voulons les mêmes prestations pour tous et toutes, et le paiement des cotisations sociales en pourcentage du salaire pour tous les assuréEs sans exclusive. Nous refusons les prestations sous conditions de ressources, et les cotisations limitées à une plafond, des dispositions qui permettent de développer les assurances privées et les fonds de pensions comme l’envisage le gouvernement avec son projet de contre-réforme des retraites. Le développement des allocations familiales sous conditions de ressources  deviendront des aides sociales réservées aux plus pauvres. Cette disposition pourrait aussi s’étendre aux remboursements des soins. C’est une arme de destruction de la Sécu. Les inégalités sociales doivent être combattues par une réforme de la fiscalité : suppression de la TVA sur les produits de 1ère nécessité, multiplication des tranches pour l’impôt sur le revenu...

Le financement socialisé

Nous voulons le financement intégral des dépenses sociales par les cotisations sociales, une part de notre salaire, le salaire socialisé. Cependant, les cotisations dites salariales amputent le salaire, elles doivent être converties, ainsi que la CSG, en cotisations dites patronales. La CSG exonère le patronat d’une partie toujours plus importante du financement de la Sécu, elle pèse à plus de 90 % sur  les salariéEs, les chômeurs, les retraitéEs. Nous nous opposons à toutes les exonérations des cotisations qui connaissent un accroissement considérable avec la transformation du CICE5 en exonérations de cotisations. Nous refusons la fiscalisation du financement de la Sécu. Elle ferait disparaître sa relative autonomie financière et faciliterait la fusion du budget de la Sécu et de l’État. Cet étatisation de la Sécu faciliterait sa privatisation. Nous nous opposons au vote par le parlement d’une loi de financement de la Sécu, les besoins sanitaires et sociaux de la population doivent primer et le budget doit être adapté en conséquence.

La démocratie sociale

Les administrateurs de la Sécu doivent être élus par les assuréEs sociaux, au plus près de ceux-ci, par exemple dans les centres de proximité, qui doivent rouvrir et se développer dans les villes et quartiers. Ces administrateurs (et non conseillers, leur appellation actuelle) doivent être dotés des pleins pouvoirs de gestion et de direction au niveau local et national, ils doivent rendre comptes de leurs mandats et révoqués si nécessaire par les électeurs.

Une protection intégrale contre les risque de toutes natures : le 100 % Sécu !

« Le 100 % santé » du gouvernement est fictif, il est limité à l’optique, aux prothèses auditives et dentaires, il est en partie pris en charge par des complémentaires santé (mutuelles et assurances) qui augmentent chaque année leurs tarifs et laissent, de par la loi, à la charge des assurées sociaux les forfaits, les franchises médicales.

Le 100 % Sécu, c’est le maintien par la Sécu du salaire, un salaire continué,  lors des arrêts temporaires et définitifs du travail :  retraites, invalidité, maladie et accident, handicap, maternité et paternité, chômage... Le minimum, y compris pour les personnes qui n’ont pas eu involontairement d’activé, doit être le SMIC que nous revendiquons actuellement à 1 800 euros net.

Le 100 % Sécu c’est la prise en charge intégrale des frais de santé en ville ou à l’hôpital sans avance des frais (le tiers payant). Le 100 % Sécu, c’est l’augmentation des allocations et prestations familiales pour réellement couvrir les besoins liés à la charge familiales, notamment l’aide au logement versée par « les alloc » qui est encore plus insuffisant depuis que les APL ont été réduites par le gouvernement.

Le 100 % Sécu, c’est le rejet total du plan Delevoye-Macron et une retraite par répartition et en annuités, calculée sur les 6 meilleurs mois pour tous et toutes et à taux plein après 35 années d’activités incluant la formation après 18 ans, et toutes les périodes d’arrêts de travail pour maternité, paternité, maladie, invalidité, chômage…

Une  Sécu du 21ème siècle

Nous voulons une conception nouvelle de la Sécu, qui ne doit pas se contenter de verser des prestations monétaires mais aussi s’occuper du bien être de la population. Les centres de santé appartenant à la Sécu ont leurs fonctions réduites et disparaissent peu à peu. Au contraire la Sécu doit développer et financer sur tout le territoires, des centres de santé multidisciplinaires agissant sur le curatif et le le préventif en s’occupant en autres dispositions, de tous les facteurs qui dégradent la santé (la pollution, la mal-bouffe, le mal-logement…). Elle doit aussi donner de véritables moyens aux hôpitaux publics. Les cliniques privées, qui pour la plupart appartiennent à des multinationales, doivent être expropriées pour devenir des hôpitaux publics, et leur personnel bénéficier du statut de la fonction publique hospitalière. La Sécu doit aussi développer l’aide et la protection des enfants et de leur familles, notamment les PMI.  Il doit aussi être de sa responsabilité de s’occuper du bien être des personnes âgées en prenant à sa charge  et en développant l’aide à domicile ou en institution. Enfin une Sécu indépendante devrait exiger d l’État l’expropriation des laboratoires pharmaceutiques qui ont réalisé plus  de 1000 milliards de profits ces vingts dernières années sur le dos de la Sécu, sur notre dos.

La lutte des classes ! 

Le système de Sécurité sociale n’a pas été octroyé par l’État et la bourgeoisie. Dans ses avancées et ses reculs, et depuis sa création il a toujours été le fruit et un enjeu de la lutte des classes, du rapport de force entre le capital  et le travail. Ce rapport de force doit être impérativement développé en se battant aujourd’hui pour l’unité de toutes les organisations opposées au projet de loi sur les retraites et à la destruction du système de santé, et pour l’unité à la base avec la création dans les villes et quartiers de comités de mobilisation contre la casse sociale.

Défendre, reconquérir et développer une sécurité sociale unifiée et élargie, une institution du salariat totalement indépendante du patronat, de l’État et démocratiquement gérée, c’est aussi permettre à des millions de salariéEs avec ou sans emploi, de retrouver la conscience de classe en soi et surtout de développer la conscience pour soi, la prise de conscience d’intérêts commun à la classe des travailleurs.

  • 1. Le Monde du 12 janvier 1948
  • 2. Ces immigrés originaires du Maghreb, qui ont travaillé et cotisé toutes leur vie en France n’ont le droit d’y revenir se faire soigner, sans la condition d’une durée de séjour d’au moins 6 mois, que depuis le 1er juillet 2019.
  • 3. Couverture Maladie Universelle et Aide Médicale d’État.
  • 4. Cf. L’Anticapitaliste hebdo N° 490 du 26/09/19.
  • 5. « Crédit Impôts Compétitivité pour l’Emploi ».