Publié le Mardi 7 janvier 2014 à 07h30.

Pour une fiscalité anticapitaliste : nos propositions

Une politique anticapitaliste en matière fiscale privilégierait les impôts directs et la progressivité de l’impôt, taxerait réellement le capital et le patrimoine. Elle rendrait la fiscalité compréhensible par toutes et tous, ce qui est la condition même pour qu’elle puisse donner lieu à un véritable débat démocratique dans lequel les arbitrages politiques soient maîtrisés par tous.

L’impôt sur les sociétés

L’impôt sur les sociétés a été sérieusement allégé. Le minimum serait le retour à une imposition à 50 % (qui était le taux appliqué jusqu’en 1985). Un simple retour à ce niveau d’imposition, même sur les bases de calcul actuelles, permettrait de faire progresser les recettes d’environ 50 %.

Par ailleurs, les dispositifs d’ « optimisation fiscale » permettent aux grandes entreprises du CAC 40 d’avoir un taux d’imposition effectif moyen à 8 %, inférieur à celui des PME (20 %) et des très petites entreprises (30 %). Ces dispositifs, à la limite de la fraude, devraient être supprimés avec mise en place de contrôles systématiques.

L’impôt sur le revenu

L’ensemble du revenu des personnes physiques doit être pris en compte dans la base imposable, ce qui implique la suppression des niches fiscales (assurance-vie, investissement dans les DOM, etc.). Quelle que soit leur nature, tous les revenus devraient être taxés de la même façon. La création de nouvelles tranches permettrait d’établir une réelle progressivité, ainsi que la création d’un taux marginal à 100 % à partir d’un certain niveau de revenu (260 000 euros par an).

D’autre part, les aides à la famille et à l’éducation des enfants ne devraient plus être croissantes avec le revenu. Pour cela, il faut supprimer le quotient conjugal et le quotient familial. Le quotient familial donne une aide à la prise en charge des enfants qui croît avec le revenu (les ménages non soumis à l’impôt sur le revenu n’en bénéficiant pas). Il doit être remplacé par une allocation d’un niveau suffisant, uniforme pour tous les enfants, dès le premier, indépendante du revenu des parents et s’ajoutant aux allocations familiales.

Les impôts indirects

L’essentiel est constitué par la TVA qui fournit à elle seule la moitié des recettes fiscales. Elle est payée par tous mais pas de la même manière. Pour les bas revenus, tout le revenu est consommé, donc soumis à la TVA. Au-dessus d’un certain montant, une partie du revenu est épargnée et ainsi y échappe. En somme, plus on est riche, moins on paye ! Contrairement à ce que l’on entend souvent, tout le monde est donc imposable, y compris les allocataires du RSA. Les données de l’INSEE montrent que les 10 % de ménages aux revenus les plus bas voient 17 % de leur revenu absorbé par les impôts indirects, contre 8 % pour les 10 % les plus riches. La justice fiscale imposerait de réduire drastiquement la part des impôts indirects dans l’ensemble des recettes et d’aller vers leur suppression.

Cela ne veut pas dire que l’on s’interdirait toute action par l’impôt indirect, mais celle-ci doit être ciblée sur les comportements sociaux les plus discutables, de façon à les limiter au maximum. Par exemple, si l’on veut freiner l’utilisation de la voiture individuelle, nous ne pouvons pas être pour l’augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (ex-TIPP), comme le proposent certains écologistes, car cela touche les personnes les plus modestes, contraintes par le prix du foncier d’habiter en dehors de toute zone bien desservie par les transports publics. Par contre, rétablir une taxe sur les véhicules au-dessus d’un certain nombre de chevaux, notamment pour les 4/4, serait pertinent.

Les impôts sur le patrimoine

Le principal recul de ces dernières années porte sur l’impôt sur les successions. Après les mesures prises sous Sarkozy, 95 % des successions ne donnent plus lieu à aucune imposition. Cela favorise une forte croissance des inégalités de patrimoine. De plus, il existe de nombreuses possibilités d’évasion : pour les familles fortunées, une succession se prépare au cours de la vie par des montages financiers adéquats aux types de biens à transmettre – sociétés civiles immobilières (SCI), donations tous les six ans, recours à l’assurance vie… Nous sommes pour une taxation des successions selon un barème aussi fortement progressif que l’impôt sur le revenu et qui s’accompagne de la suppression de toutes les possibilités d’évasion qui ont été mises en place.

Depuis sa mise en place en 1982, l’impôt « de solidarité sur la fortune » (ISF, à l’époque IGF) se caractérise par une assiette étroite puisqu’en sont exclus les œuvres d’art et de collection, partiellement les bois et forêts et les biens professionnels baptisés pour la circonstance « outils de travail » (l’entreprise L’Oréal est ainsi un outil de travail pour les Bettencourt !) Alors que la droite n’a eu de cesse d’affaiblir encore plus cet impôt, par l’instauration du bouclier fiscal et d’exonérations supplémentaires, le PS de retour au pouvoir n’a rien remis d’essentiel en place. Notre proposition est de construire un impôt sur la fortune incluant l’ensemble du patrimoine, « outils de production » et œuvres d’art compris, et qui soit fortement progressif (avec suppression de l’abattement sur la base de calcul de l’impôt).

Les impôts locaux

Pour les impôts locaux, un des principaux problèmes réside dans les inégalités de richesse entre communes, liées à la présence d’entreprises et/ou de ménages à revenus élevés. Outre leur réforme, il conviendrait donc d’organiser une réelle péréquation des recettes entre les communes.

La taxe d’habitation est un impôt particulièrement injuste alors qu’il constitue un des principaux impôts sur les bas revenus. La disparité entre les communes est forte : il est notoire que, par exemple, la taxe d’habitation est faible à Paris et forte dans les communes des banlieues les plus populaires. Sa base de calcul est la valeur locative des logements, elle-même déterminée de manière plus que contestable et remontant au début des années 1970. Les propriétaires et locataires des centres-villes, où la proportion de personnes à revenus élevés est souvent plus importante, sont avantagés par rapport aux habitants de logements plus récents de la périphérie, même s’il s’agit de logements sociaux. Le logement constitue un besoin fondamental des individus et la taxe d’habitation doit donc reposer sur une base qui renvoie aux moyens contributifs de chacun et non au type de logement.

La taxe foncière est liée à la propriété. Il convient également de modifier cet impôt : la valeur des biens prise en compte pourrait être la valeur vénale déclarée par les contribuables qui serait opposable en cas de revente (avec possibilité de préemption par les communes). Il faudrait que les communes soient libres d’augmenter la taxe foncière sans toucher aux autre impôts locaux (ce qui n’est pas le cas actuellement : les différents taux sont liés).

La réforme de la taxe professionnelle, remplacée par trois cotisations en 2010, a été l’occasion d’un cadeau aux entreprises. Il faudrait donc remettre la taxation locale des entreprises à niveau et réexaminer toutes les exonérations qui leur ont été consenties.

Sandra Demarcq