Publié le Lundi 3 février 2014 à 15h15.

Valls, raciste en chef

La charge du ministre de l’Intérieur contre Dieudonné, ponctuée par les mesures d’interdiction de ses spectacles, a tout d’une opération de diversion... A plusieurs titres.

D’abord, par rapport aux enjeux essentiels, économiques et sociaux, de l’action du gouvernement. La saillie de Valls et le battage médiatique qui l’a accompagnée sont ainsi intervenus simultanément à l’annonce du dit « pacte de responsabilité » : au moment où l’on renonce ouvertement à toute velléité de gauche, où l’on accède aux principales revendications du Medef et l’on constitue avec lui une véritable alliance, un peu d’illusionnisme « antiraciste » et « républicain » ne peut pas faire de mal.

Mais  diversion, aussi, par rapport aux orientations gouvernementales sur la question dite de l’immigration, donc aussi vis-à-vis du sentiment antiraciste qui, même s’il est aujourd’hui en mal d’expression, continue de prédominer largement dans les classes populaires et parmi les salariés.

Car, quand bien même Dieudonné est un personnage détestable, dangereux et à combattre, ce sont bien les Hollande, Ayrault et Valls qui mettent en œuvre, depuis les sommets de l’Etat, une politique qui n’a rien à envier à celle de leurs prédécesseurs.

Ainsi les expulsions de sans-papiers se poursuivent-elles au même rythme que sous Besson et Hortefeux.  Les services du ministère de l’Intérieur ont bien insisté sur ce point, en répondant aux interpellations de la droite que les chiffres réels (« gonflés artificiellement » sous Sarkozy où ils intégraient indûment les dits retours volontaires) étaient maintenus. Match nul, donc. Mais sur le terrain de la persécution des Roms, là, net « avantage » au gouvernement en place qui bat tous les records : 165 campements démantelés sur 400, 19 380 personnes délogées en 2013 contre « seulement » 9 402 en 2012, selon un rapport récent de la Ligue des droits de l’Homme.

Une journée particulière ?

Pour illustrer cette politique, prenons l’exemple de trois événements survenus le même jour, mercredi 27 novembre 2013. Ce soir-là, toute la gauche gouvernementale tenait meeting à Paris pour « défendre la République contre les extrémismes ». Valls n’y a pas seulement défendu sa collègue Christiane Taubira, visée par une série d’attaques ignobles. Une grande partie de son intervention a été consacrée à dénoncer, avant les élections municipales, la présence possible de « listes communautaires » supposément islamistes : « nous n’accepterons jamais que dans nos quartiers populaires, on nous impose une loi, une loi d’airain, celle du conservatisme, de l’intégrisme qui n’a rien à voir avec la République, et ce n’est pas à l’extrême droite de le dire, c’est à nous de le dire » !

Plus tôt dans la journée était tombé un jugement de la Cour d’appel de Paris, à propos d’une salariée (Fatima Afif) licenciée par son employeur privé (la crèche Baby Loup) pour le seul fait de porter le voile. Inversant une décision de justice précédente, la Cour a estimé que ce licenciement ne portait « pas atteinte à la liberté religieuse » et n'était pas « discriminatoire »… Décision à rapprocher de l’avis récent du Conseil d’Etat, estimant que la circulaire Châtel de 2009, qui exclut de l’aide aux sorties scolaires les mères musulmanes porteuses d’un voile ou d’un foulard, devait rester applicable.

Plus tôt encore, aux premières heures de la matinée, une vaste opération de police avait expulsé 800 hommes, femmes et enfants de ce qui constituait à Saint-Ouen le plus grand camp rom de France. Décidée par Valls, cette méga-opération d’expulsion prenait un sens plus dramatique encore dans la mesure où elle n’était réalisée qu’à la demande expresse de la maire Front de gauche (FASE-Ensemble) de Saint-Ouen, inquiète – à quelques mois des municipales – des répercussions négatives de cette présence sur les électeurs des nouveaux bâtiments construits à proximité.

Le jeu de l’extrême droite

Mais le gouvernement ne mène pas seulement une politique raciste. Il menace maintenant les libertés démocratiques : les interdictions d’Etat envers les spectacles de Dieudonné constituent des précédents qui pourront être utilisés, demain, contre les anticapitalistes ou d’autres courants contestant l’ordre établi.

Et il fait directement le jeu de l’extrême droite. En dotant ce pitoyable « humoriste » d’un statut de vedette victimisée. Mais aussi, plus gravement, en ne ciblant dans sa démagogie « antiraciste » que le seul antisémitisme (que le gouvernement comme Dieudonné identifient faussement à l’antisionisme), encourageant ainsi les courants identitaires rétrogrades à l’œuvre aussi dans la communauté musulmane.

Il faudrait vraiment construire dans ce pays un grand mouvement unitaire contre le racisme… Qui combattrait, en même temps, les racistes d’extrême droite et ceux du gouvernement.

Jean-Philippe Divès