Entretien avec Renée Ravoteur, militante de "Lyannaj pou dépolyé Matinik"
Le chlordécone, cet insecticide classé cancérigène dès 1979, a été autorisé aux Antilles contre le charançon du bananier jusqu’en 1993. Son élimination est très longue : un siècle pour que sa concentration soit divisée par dix ! Il est présent dans les sols, les végétaux, les eaux de source, s’accumule dans les organismes via les chaînes alimentaires : on en retrouve des traces dans le plasma de 90% des AntillaisEs, avec des conséquences neurologiques pour les femmes enceintes et les nouveau-nés, des cancers de prostate sans parler des effets encore mal connus. L’empoisonnement des AntillaisEs n’est plus contesté mais la justice a refusé de sanctionner la chaîne de responsabilités qui a permis sa production et son utilisation massive. En janvier 2023, seize ans après la plainte, le non-lieu prononcé a été à juste titre vécu comme un nouvel acte de mépris colonial. Les juges confirment qu’il y a un « scandale sanitaire » mais décident qu’on ne peut sanctionner personne ! Contre cette impunité, le collectif Lyannaj pou dépolyé Matinik qui a joué un rôle central dans la mobilisation a construit un front encore plus large contre ce non-lieu, pour la vérité, la justice et les réparations de ce crime.