Le scandale de la « fiction » de Valeurs actuelles mettant en scène Danièle Obono en esclave a rappelé à qui l’aurait oublié durant l’été que la gangrène raciste ne cessait de progresser. Pas une semaine ne se passe sans une nouvelle « Une » stigmatisante ou une nouvelle déclaration provocante.
Le gouvernement Castex n’est pas en reste, avec son projet de loi « séparatisme », qui jette une nouvelle fois une suspicion collective sur les populations musulmanes, les désignant comme une cinquième colonne responsable de toutes les fractures de la société. Et l’on n’oublie pas non plus les déclarations de Macron avant l’été, amalgamant les mobilisations contre le racisme et les violences policières au « communautarisme » et – déjà – au « séparatisme ».
Vague internationale
C’est à une nouvelle séquence de crispation identitaire que l’on assiste depuis plusieurs mois, mais pas du côté des boucs-émissaires désignés. Tel est en effet l’un des paradoxes de la position de nombre de pourfendeurs du « communautarisme » : (feindre de) ne pas se rendre compte qu’en renvoyant des personnes revendiquant l’égalité des droits à une supposée « communauté » au nom de laquelle ils et elles se mobiliseraient, voire en les accusant de vouloir se « séparer » du reste de la population, ils se livrent eux-mêmes à un exercice d’auto-affirmation identitaire, exprimant leur adhésion à un ordre raciste au sein duquel chacunE doit rester à la place qui lui est assignée, fut-elle subalterne.
La vague de mobilisation internationale ouverte par le meurtre de George Floyd à Minneapolis le 25 mai dernier est loin d’être terminée. Parce qu’il ne s’agissait pas d’une « simple » indignation face à un énième crime policier, mais bien d’une lame de fond face à un système de discriminations et de violences. Un « racisme structurel », institutionnel, qui s’exprime, en France comme ailleurs, tout autant dans les discriminations au travail ou au logement que dans les politiques criminelles à l’égard des migrantEs et des sans-papiers, ou dans la pratique systématique des contrôles au faciès, souvent à l’origine des crimes policiers.
C’est contre ce racisme institutionnel que des millions de personnes se sont levées, au premier rang desquelles les « premierEs concernéEs », pas contre des idées dangereuses ou des comportements individuels intolérables. Ce sont bien les structures de la domination qui sont remises en cause et, quand bien même différentes orientations cohabiteraient au sein des mobilisations antiracistes, leur puissance politique réside précisément en ceci qu’elles n’expriment pas un antiracisme « moral » mais résolument politique, et que nombre de ses acteurEs articulent critique du racisme et du système capitaliste.
Panique identitaire
C’est ce qui explique la panique identitaire du côté de l’extrême droite et de la droite extrême, qui a conduit à de tragiques passages à l’acte, comme aux USA avec le meurtre de deux manifestants antiracistes, le 27 août à Kenosha (Wisconsin), abattus par un jeune suprémaciste blanc âgé de 17 ans. C’est ce qui explique aussi, en France, le déchaînement contre Assa Traoré et le comité pour Adama qui, s’il n’a pas commencé avec les mobilisations de juin, a connu une accélération sans précédent au cours d’un été également marqué par des campagnes systématiques, sur internet, contre nombre de figures – racisées – du combat antiraciste.
Les immondices publiées par Valeurs actuelles ne sont donc pas un coup de tonnerre dans un ciel serein, et les indignations hypocrites de certains ne masquent guère le fait que, dans un pays où le débat politique est toujours plus polarisé par l’extrême droite, les « grands médias » ont fait le choix de l’adaptation, voire de l’accompagnement du phénomène. Idem sur le champ politique, lieu d’un véritable continuum raciste, au sein duquel l’extrême droite peut se féliciter chaque jour de voir ses « thèmes » et ses « thèses » reprises par des responsables politiques dits « républicains », dont les larmes de crocodile concernant Danièle Obono ne font guère illusion.
Ainsi en va-t-il de la thématique de « l’ensauvagement », désormais portée par le ministre de l’Intérieur, ou de celle, comme nous l’avons déjà signalé, de la « menace séparatiste » agitée par Macron et Castex. Et demain, le « grand remplacement » ? Tout semble en effet bon, du côté d’un pouvoir aux abois, pour justifier violences et discriminations contre les personnes racisées et pour tenter de détourner la colère des classes populaires à l’heure où une crise économique et sociale sans précédent est en train de s’abattre sur elles, renforcée par les mesures pro-patronales du gouvernement.
En cette rentrée, avec un pouvoir à l’offensive et un camp réactionnaire de plus en plus crispé et brutal à l’heure où une vague internationale de mobilisations antiracistes,ébranle les fondations d’un système de domination et de hiérarchisation raciales qui n’a que trop duré, vigilance et mobilisation antiracistes sont de mise. Nous serons de toutes les luttes mettant en cause ce système, à commencer par le combat contre les violences policières et la lutte des sans-papiers, avec notamment la perspective de la grande marche nationale qui culminera le 17 octobre à Paris. Un combat indissociable de toutes les luttes pour défendre les intérêts de notre camp social.