« C’est la dernière fois qu’un frère tombe ». Le slogan repris par des centaines de voix samedi 23 juillet au rassemblement de la Fontaine des Innocents à Paris à l’appel de Black lives matter et du collectif UNPA (Urgence notre police assassine) faisait écho au « Justice pour Adama ! » scandé la veille à Beaumont-sur-Oise par 3 000 manifestantEs.
Mardi 19 juillet, fuyant un énième et hélas banal contrôle d’identité, Adama Traoré est poursuivi par les gendarmes. Il est rattrapé, « boxé et menotté » racontent des témoins directs. La suite, on la devine : « Mon frère était vivant en entrant dans le camion de la gendarmerie... Il en est ressorti mort ». L’émotion et l’incrédulité montent. Comment Adama, sportif avéré, apprécié de tous dans le quartier, a t-il pu passer de vie à trépas le temps d’un court trajet entre le quartier Boyenval et le poste de gendarmerie ? Se serait-il « révolté » ? Impossible, il était menotté dans le dos.
Des membres de sa famille et ses amiEs décident de se rendre à l’antenne de gendarmerie pour y poser des questions, et voir le corps d’Adama. Le poste est transformé en camp retranché, et les flics gazent le rassemblement. Le lendemain, un communiqué du ministère de l’Intérieur affirmera que la mort d’Adama serait due à « une infection très grave de plusieurs organes ». Sa famille devra attendre deux jours pour enfin voir le cadavre, et entamer une procédure exigeant qu’une autre autopsie soit effectuée.
L’indignation est à son comble, et ce seront plus de 3 000 personnes qui accompagneront la famille et les amiEs d’Adama vendredi dernier à la « marche blanche », du quartier Boyenval jusqu’au centre ville. L’impressionnant dispositif policier mis en place dès mardi soir n’empêchera pas l’expression de la juste colère des jeunes de Beaumont et de Persan, harcelant les flics pendant plusieurs nuits, ce qui a entraîné l’arrestation d’une quinzaine de personnes.
« Sans justice, vous n’aurez jamais la paix »
Adama Traoré est malheureusement un nom de plus dans la trop longue liste des victimes des crimes de la police. Volontairement, le ministère de l’Intérieur se refuse à communiquer le moindre chiffre sur ce sujet, laissant aux ONG, chercheurs et autres sociologues le soin de recouper les informations. Depuis la mort de Zyed et Bouna le 27 octobre 2005, jusqu’en 2015, 168 personnes sont décédées suite à des violences policières. Amnesty International avance le chiffre d’une moyenne de 15 par an. Et à de très rares exceptions, ces crimes n’ont pour la plupart entraîné aucune condamnation de leurs auteurs. L’impunité policière est inscrite à jamais dans la mémoire des habitantEs des quartiers populaires...
L’indignation ponctuelle qui s’exprime à chaque nouveau drame ne suffit pas. Lors des 4 derniers mois, le mouvement social a été confronté à la réalité de la violence de l’appareil d’État, et a su mettre en place des collectifs contre la répression, en soutien aux victimes de celle-ci. Bien qu’encore ténus, des liens existent entre le mouvement social « urbain » et les collectifs « issus des quartiers populaires ». Ainsi la commission défense collective issue de Nuit debout a décidé de mettre ses compétences juridiques au service des personnes arrêtées et poursuivies dans le cadre des incidents consécutifs à la mort d’Adama. C’est un premier pas. Pour autant, cela ne suffit pas : la mise en cause de la police n’aura de sens que lorsqu’elle s’attaquera aux racines et à la nature même de l’appareil répressif de l’État.
Marre des criminels en uniforme ! Vérité et justice pour Adama !
Alain Pojolat