Comme nous le pressentions, le bâtiment occupé depuis un an par des familles de demandeurs d’asile (voir l’Anticapitaliste n°249) a été évacué par les forces de « l’ordre ».
Mardi 22 juillet, dès 7 heures du matin, la gendarmerie a bouclé le quartier, empêchant l’arrivée des militantEs venus soutenir les réfugiéEs. Vulgarité ordinaire d’une expulsion : politesse administrative des officiels, tri des sans-papiers emmenés en camp de rétention, résidence surveillée pour ceux dont il faut vérifier la situation, relogement temporaire d’une femme enceinte et d’un couple avec enfant… et la rue pour les célibataires contraint d’abandonner leurs maigres effets. Le bâtiment, voué à la démolition, est rapidement muré. Puis c’est l’errance dans les rues de la ville sous de méchantes averses. Après une tentative d’installation de tentes dans un square face à la préfecture, interdite par la police, et un frugal repas servi par le Collectif, les familles ont passé le reste de la journée à errer sans but. Elles ont finalement trouvé refuge pour la nuit dans les locaux du diocèse grâce à l’intervention de l’évêque sollicité par les militants chrétiens. L’entretien qu’une délégation du Collectif a eu avec la préfecture laisse mal augurer de l’avenir : plus d’argent pour accueillir, rien pour les célibataires relogés provisoirement au camping municipal... Par ailleurs, le maire, un proche de Valls, fait pression sur le préfet, nommé par Valls, pour que les déboutés soient sortis des centres d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) et reconduits chez eux afin de libérer des places... Notre demande est toujours la même : construction d’un CADA dans la ville (chef-lieu du département), et en attendant, mise à disposition d’un immeuble vide pour installer un accueil d’urgence.
Accueillir ou renvoyer ? La question de l’accueil des migrantEs est l’enjeu de multiples clivages sociaux et politiques. DemandeurEs d’asile, réfugiéEs, immigréEs, sans papierEs, clandestinEs sont l’objet de bien des fantasmes et de bien des amalgames. Alors l’attitude du Collectif, qui agit en conformité avec la législation, serait-elle de nature à « troubler l’ordre public » ? Réquisitionner un immeuble vide afin d’accueillir des personnes qui, sans l’action des militantEs, dormiraient sur les trottoirs ; abriter et nourrir des familles qui traîneraient dans les rues, encouragent la paix sociale et constituent un rempart contre le racisme et la discrimination. Et non l’inverse. Argumenter, discuter, élaborer, revendiquer, sont un témoignage de vitalité démocratique. Renforcer les attitudes citoyennes, revigorer le dialogue social, confronter des points de vue, sont des signes de considération vis à vis des autorités. Et non le contraire. Ça aurait pu (dû) marcher avec l’immeuble que nous occupions, mais l’objectif du gouvernement n’est pas celui affiché dans les dîners républicains. Le leur est d’écœurer les candidatEs à l’exil en les accueillant le plus mal possible et, si ça ne suffit pas, de les reconduire... Dans un roman (1), Victor Serge écrit que « tout ne s’écroule pas à la fois. Il reste dans la fourmilière éventrée des recoins presque paisibles ; et les fourmis peuvent y croire que leur univers continue comme de coutume. » Sommes-nous dans une telle situation ? Le Collectif reste mobilisé, comme on dit dans les tracts, mais il souffle un vent mauvais...
CorrespondantEs1 – Victor Serge, Les derniers temps.