Publié le Mardi 19 septembre 2023 à 16h00.

À Clermont-Ferrand, le squat « le 5 Étoiles » accueillant des mineurs isolés expulsé

« Le 5 Étoiles » a été expulsé le 2 août dernier. Ouvert en 2017 pour accueillir uniquement les mineurs isolés pendant la période de recours sur la reconnaissance de minorité, ce squat en a vu passer du monde.

Au plus fort, 70 personnes y étaient hébergées, dans deux maisons prévues pour accueillir des familles avec 2 enfants. Les maisons appartiennent à la famille Mulliez ; elles bordent le parking de Kiabi, propriété de Mulliez également. Un procès est intenté et gagné par les propriétaires rapidement. Pourtant la préfecture attend cinq ans avant d’envoyer les policiers les expulser.

Lieu de rencontres et de solidarité

Pourquoi pas avant ? L’hébergement d’urgence était surchargé. Un camp de migrants avait vu le jour place du Premier Mai en septembre 2018. Ajouter une cinquantaine de mineurs à la rue semblait peut-être non judicieux à la préfète. Il faut dire que des militantEs de RESF 63 étaient assez dynamiques et organisaient souvent des rassemblements à l’ASE ou des manifestations avec les jeunes du squat 5 Étoiles. Ces militantEs venaient chaque dimanche au squat pour faire des réunions afin de traiter les problèmes du lieu, la scolarité et les mobilisations.

Le « 5 Étoiles » était un lieu intense. Des gens perdus débarquaient avec leur histoire traumatisante, les maisons n’étaient pas des hôtels 5 étoiles (soucis de chauffages l’hiver, etc.). Certains jours il y avait des disputes, et toujours trop de stress à cause de l’attente et des incertitudes. Mais c’était aussi un lieu de rencontres et de solidarité. De nombreuses associations venaient faire des dons au squat. Des professeurs bénévoles venaient donner des cours. Lise proposait de réaliser une émission de radio et organisait des soirées d’écoute de cette émission ou bien des soirées cinéma. Petit à petit, les militantEs du début de l’aventure se sont épuisés ou sont tombé malades ou ont eu des histoires d’amour toxiques. C’est la vie !

Trouver un lieu pérenne

C’est le collectif citoyen qui a pris les rênes du lieu. Le collectif citoyen ne sont pas des militantEs mais des bénévoles humanitaires. Ils/elles sont efficaces pour trouver des places dans les lycées. En revanche, hors de question pour eux de chercher un rapport de forces. Ainsi, ils se sont mis en tête de négocier un lieu pérenne avec les autorités, notamment la préfecture. À partir de là, RESF 63 ne pouvait plus écrire de critique de la préfecture dans ses tracts sans provoquer un conflit diplomatique avec le collectif citoyen. Au final, la préfecture n’a dialogué qu’avec le collectif citoyen. Il était devenu l’unique interlocuteur, y compris à propos de l’expulsion.

Or, pour le collectif citoyen, l’important était que l’expulsion se passe bien, pas de heurts, « on » prépare bien les valises la veille. Ils ont bien rassuré les jeunes : ils seront relogés.

En effet, ils ont été relogés dans différents appartements mais pour un mois seulement. Dès le 5 septembre leur hébergement n’était plus pris en charge par la préfecture. Les jeunes ne sont pas encore partis de leur logement, mais probablement que de nouvelles expulsions se préparent.

À Clermont, 90 % des jeunes sont évalués majeurs

Le terme « mineurs isolés » est un terme qui devient malheureusement courant dans la presse, on a l’impression que c’est une masse de gens alors que ce sont des individus qui sont isolés : ils n’ont pas de soutien, de réseau ou de famille.

Il a été demandé à Kader avant l’expulsion s’il avait un plan B, mais non rien du tout. Il espérait que son recours serait favorable et qu’il aurait une place à l’école. Et c’est tout. Pari gagné puisque mi-août sa reconnaissance de minorité a été validée. Cet été, d’autres jeunes ont terminé leur évaluation de minorité et ont été mis dehors.

Le conseil départemental a délégué ce service d’évaluation à la DDAEOMI (dispositif départemental d’accueil, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés) qui a été choisi car il se vantait de ne trouver que 10 % de mineurs quels que soient les jeunes. En effet, à Clermont, 90 % des jeunes sont évalués majeurs par le DDAEOMI.

Les militantEs n’ont su que faire des jeunes mis dehors par le DDAEOMI au mois d’août. Toutes les chambres et canapés étant déjà occupés. Des billets de trains leur ont été payés pour qu’ils puissent tenter leur chance ailleurs. La solidarité a alors un goût bien amer.