Publié le Mercredi 11 juin 2025 à 09h00.

Continuum raciste

La société française devrait être profondément bousculée par la succession des violences racistes lorsqu’elles aboutissent à deux assassinats rapprochés : Aboubacar Cissé, poignardé le 25 avril ; Hichem Miraoui, abattu le 31 mai. Chaque jour, de nouvelles agressions islamophobes sont perpétrées dans une très grande indifférence.

Comment pourrait-il en être autrement quand la vie politico-médiatique poursuit, quoi qu’il se passe, son cours, et que, quotidiennement, des idéologues de toutes sortes défendent une vision raciste du monde et légitiment ainsi les passages à l’acte ?

Comment pourrait-il en être autrement ? Plus d’un an et demi de génocide à Gaza n’a pas suscité l’indignation de masse, que toutes les valeurs dont la « République » se vante auraient dû théoriquement motiver mais que le racisme rend impossible, tant les vies palestiniennes sont perçues comme négligeables, voire nuisibles.

Comment pourrait-il en être autrement quand la grande majorité de notre camp social n’a toujours pas intégré la profondeur du racisme et sa dimension structurante dans les rapports sociaux — ce qui constitue un obstacle récurrent dans la construction des ripostes nécessaires ?

Nous vivons sous le capitalisme racial, au sein duquel les différentes expressions du racisme — du plus diffus au plus violent, du plus institutionnel au plus individuel — ne sont pas des phénomènes séparés, mais des manifestations d’une même logique structurelle, d’un même système de domination.

Ce continuum raciste va des micro-agressions (soupçons, blagues, contrôles) aux discriminations systémiques (logement, emploi, éducation, justice…), jusqu’aux violences policières, aux crimes racistes, aux politiques coloniales et anti-migrantEs meurtrières, à la traque des sans-papiers. Ces formes peuvent varier dans leur intensité ou leur visibilité, mais elles s’enracinent toutes dans la hiérarchisation raciste des existences.

Il est urgent de construire un front antifasciste, antiraciste, anticolonial le plus large possible, tout en œuvrant à faire reconnaître qu’un même racisme organise l’oppression et tue ici — dans les mosquées, dans les quartiers populaires — et là-bas, les populations colonisées et les migrantEs, et qu’il traverse et structure toute la société.