Le mercredi 27 novembre au matin, la police intervenait pour évacuer un campement de Roms à Saint-Ouen, dans la banlieue nord de Paris. Ce camp s’était agrandi suite aux expulsions de terrains qui avaient eu lieu dans tout le département du 93 l’été dernier. Près de 800 personnes, dont la moitié sont des enfants, se sont donc retrouvés à la rue, sans aucune solution de relogement, même provisoire, à l’entrée de l’hiver.
Les municipalités qui ont ordonné ces expulsions sont pour la plupart de gauche (PS ou Front de gauche ), à l’instar de la mairie de Saint-Ouen dont la maire(FdG) avait signé l’arrêté d’expulsion ordonnant aux familles de quitter les lieux… La scène pourrait presque paraître banale, car depuis des années, les expulsions se sont multipliées. Et l’élection de Hollande, avec l’arrivée de Valls au ministère de l’Intérieur, n’y a rien changé. Il y a bien une continuité dans la désignation de boucs émissaires, le recours à des expulsions médiatisées et le discours musclé qui les accompagne.Le lendemain, jeudi 28, le Réseau éducation sans frontière (RESF) faisait le bilan de la première année de circulaire Valls qui devait alors permettre d’apporter des réponses « humaines et fermes » censées clarifier et uniformiser les conditions de régularisation des sans-papiers, qu’il s’agisse de parents d’enfants scolarisés, de travailleurs ou de jeunes majeurs scolarisés. La promesse de rompre avec l’arbitraire qui régnait sous le gouvernement Sarkozy a fait long feu. RESF constate : « la circulaire Valls de novembre 2012 a, dans les faits, manqué quasiment tous ses objectifs officiellement proclamés. (…) La circulaire Valls est à l’image de la politique migratoire du gouvernement, sans vision, sans rupture avec la politique précédente, souvent mesquine, inhumaine, arbitraire… ».
Après les actes, les paroles…Ironie, mercredi 27 novembre au soir, jour où était détruit le campement Rom de Saint-Ouen, le Parti socialiste organisait un « grand meeting de la gauche » afin de « défendre la République contre les extrémismes ». Pour répondre aux attaques racistes d’une incroyable violence qui se sont multipliées ces derniers mois, en particulier celles dirigées contre Christiane Taubira, le PS avait décidé de reprendre l’offensive…Et que croyez vous que firent le Parti socialiste et ses amis ? Une remise en cause de la politique actuelle du gouvernement ? Des propositions pour une autre politique qui permettrait de redistribuer les richesses ? Pour le droit de vote des étrangers ? Contre la division, pour l’égalité des droits ? Mais non ! Ils ont convoqué à la Mutualité une série de ministres et de responsables politiques et en ont tous appelé à la République. Comme si l’appel répété en boucle, presque incantatoire, à la République pouvait être une réponse à la situation.Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, est lui aussi monté à la tribune pour donner sa leçon pour lutter contre le racisme. Il y a défendu… la République et la laïcité. Toutes les occasions sont bonnes pour agiter le chiffon du repli communautaire ! Puis de conclure à propos de Christiane Taubira : « Au fond, ceux qui ont voulu s’en prendre à elle ont d’une certaine manière rendu un grand service. Ils ont fait la démonstration que la gauche pouvait enfin se réveiller, que la gauche était capable d’indignation. »C’est vrai, la gauche est capable de petites indignations. Mais de quoi d’autre ?
Contre la république du méprisIl y a 30 ans, le 3 décembre 1983, la Marche pour l’égalité des droits et contre le racisme arrivait à Paris après plusieurs semaines à travers la France. Lancée après une série de crimes racistes, de violences policières, et faisant écho à une campagne électorale marquée par la xénophobie et l’idéologie sécuritaire, l’histoire de cette marche rejoint la situation actuelle.Ce samedi, nous serons dans la rue, au côté d’associations, de collectifs de quartier, d’organisations, vraiment de gauche. Cette fois-ci, il n’y aura pas Manuel Valls !Cette manifestation doit être l’occasion de faire entendre d’autres voix. Celles qui refusent toute forme de racisme et de discrimination, et qui, comme l’affirme l’appel lancé par les organisateurs, propose « à toute la société d’autres solutions, celles de l’égalité des droits pour en finir avec la République du mépris ».La marche continue.
Pierre Baton