En 1952, Jean Monet, l’un des « pères de l’Europe » déclarait devant le Congrès américain : « nous allons créer des États-Unis d’Europe libres, vigoureux, pacifiques et prospères ». 60 ans plus tard, c’est une Union européenne austéritaire, du chômage, de la guerre et du racisme, que les gouvernants des États membres ont construite. Cette machine de guerre contre les classes populaires s’appuie essentiellement sur deux piliers politiques, l’euro et Schengen, au cœur de l’actualité : dans la politique néocoloniale imposée au peuple grec, et dans le refus d’accueillir les réfugiés.
La monnaie unique devait permettre la réalisation d’« une Union économique capable d’une croissance durable accompagnée d’emplois nombreux et de meilleure qualité et d’une meilleure cohésion sociale entre les différents États » (Stratégie de Lisbonne)... Aujourd’hui, il y a 44 millions de chômeurs dans l’UE, et pas de convergence européenne mais une hiérarchie entre les pays les plus riches et les autres...
Leur Europe n’est pas réformable
L’austérité pour le remboursement d’une dette odieuse et illégitime est l’outil de leur politique. Résultats : le PIB de l’Italie est plus bas qu’en 1999, et la Grèce sombre dans toujours plus de paupérisation. Cette spirale du paiement sans fin de la dette s’accompagne de la mise sous tutelle de la Grèce et du déni total du droit de ce peuple à décider de son avenir. Malgré son refus clairement exprimé lors du référendum de début juillet, le pays subit les effets catastrophiques des mesures d’austérité qui vont continuer avec le troisième mémorandum. La démonstration claire – et dramatique – que l’UE n’est pas réformable et que toute résistance sociale et politique entre en conflit immédiat et violent avec elle.
La stratégie est donc bien d’aller vers une rupture avec ses traités, ses décisions, son organisation et son fonctionnement, ce qui suppose de prendre des mesures d’urgence unilatérales. Parmi celles-ci : l’arrêt du paiement de la dette, la nationalisation des banques avec un fonctionnement sous contrôle social, le contrôle des mouvements de capitaux, l’arrêt immédiat de l’austérité par une politique fortement redistributive en direction des salariés, chômeurs et retraités, un système d’imposition progressive et fortement contributif pour les plus riches...
Les frontières n’ont jamais disparu...
Les dirigeants européens qui viennent de se réunir pour parler des migrants ont révélé une fois de plus leur cynisme. La libre circulation à l’intérieur de l’espace Schengen est donc supprimée, les frontières partiellement rétablies en Allemagne, Autriche, Slovaquie, sans doute demain en Pologne et en République tchèque, et un mur de barbelés est même construit en Hongrie...
Depuis 1995, à 30 reprises, les frontières ont été momentanément rétablies : dans la quasi-totalité des cas, il s’agissait pour l’Europe du capital d’essayer d’empêcher les manifestations anti-G8 ou anti-Otan et de se donner les moyens légaux de les réprimer sauvagement.
Rétablir les frontières, dans le droit européen, c’est légal s’« il y a menace grave pour l’ordre public et la sécurité à l’intérieur de l’espace Schengen »... Le faire aujourd’hui, c’est donc envoyer le message que les migrants sont « le danger à nos portes », en prenant consciemment le risque d’ouvrir la boîte de Pandore des peurs et des fantasmes identitaires.
Contre le repli, pour une mobilisation internationale !
Le rétablissement des frontières, c’est aussi le renforcement de la coopération des polices et des armées, avec l’augmentation du nombre de policiers et de militaires qui va avec. Des bruits de bottes partout ! Le renforcement des « hot spots » en Grèce, en Italie et en Hongrie doit permettre d’opérer un tri entre les réfugiés qui fuient la guerre et ceux qui fuient la misère. Cynique et criminel !
Cette politique contre les migrants est non seulement un scandale en termes d’humanité, mais elle s’aventure et s’enfonce dangereusement sur le terrain des partis xénophobes, racistes, fascistes pour certains, aujourd’hui nombreux en Europe. Elle autorise de fait les manifestations populaires de rejet de l’étranger et les actes racistes, et ouvre la voie au renforcement des mesures discriminatoires prises dans les différents pays.
Contre leur citadelle européenne faite de frontières barbelées, d’autoritarisme et d’austérité, il faut combattre aussi le repli national et s’adresser à l’ensemble des peuples d’Europe : pour riposter à la barbarie des gouvernants, dans l’unité la plus large, en commençant par nous mobiliser contre notre propre gouvernement.
Roseline Vachetta