Publié le Mercredi 7 septembre 2022 à 13h00.

Darmanin, l’imam, l’islamophobie

La « polémique » autour de l’expulsion de l’imam Hassan Iquioussen pourrait prêter à sourire si ce qui était en jeu n’était pas aussi grave. L’affaire est en effet des plus rocambolesques, jusqu’à déboucher sur la situation actuelle, qui pourrait se résumer comme suit : une personne à propos de laquelle un arrêté ministériel d’expulsion a été pris, et confirmé par le Conseil d’État après un long feuilleton, a quitté de son plein gré le territoire ; ce qui ne convient pas au ministère de l’Intérieur, qui a obtenu qu’un mandat d’arrêt européen soit lancé afin de rapatrier la personne en France… pour ensuite l’en expulser. Sachant, en outre, que l’on ne sait pas pour quelle destination, dans la mesure où le Maroc, qui avait au départ donné son accord (Hassan Iquioussen est né et a vécu en France mais il est de nationalité marocaine), avant de se rétracter.

Bref, comme le résume l’avocate de l’imam : « [Gérald Darmanin] ne veut pas que mon client respecte la décision ministérielle, il veut qu’il le fasse sous les caméras. Ce que cherche à faire le ministère de l’Intérieur, c’est à faire du buzz ». Il ne fait en effet aucun doute que Darmanin, qui se voit sans doute en nouveau Sarkozy, cherche à tout prix à faire de la politique-spectacle, quand bien même cela se ferait au mépris du droit et des décisions de justice. Le ministre de l’Intérieur s’est ainsi permis de qualifier de « délinquant » Hassan Iquioussen, alors que ce dernier n’a jamais été condamné par aucun tribunal.

Les récentes déclarations de Darmanin, suite à la décision du Conseil d’État de valider l’expulsion, sont particulièrement révélatrices et inquiétantes : « L’arrêt du Conseil d’État qui permet de dire que quelqu’un qui a des enfants, qui est marié en France, qui est né en France, peut quand même – 58 ans après – être expulsé, ça permettra d’évoquer d’autres cas ». Darmanin a bel et bien l’intention de s’en prendre à plusieurs dizaines d’autres imams et personnalités musulmanes, légitimant, entretenant et renforçant l’islamophobie.

Ainsi, au-delà du spectacle, c’est quelque chose de plus grave qui se joue. Disons-le tout net : s’opposer à l’expulsion d’Hassan Iquioussen n’est évidemment pas exprimer un soutien à ses positions et à certaines de ses déclarations réactionnaires sur les droits des femmes, les personnes LGBTI, les Juifs. Il s’agit tout simplement de souligner à quel point les obsessions de Darmanin, confortées par divers dispositifs liberticides comme la loi « séparatisme », représentent un danger majeur pour les libertés démocratiques élémentaires, banalisant l’islamophobie d’État, pour le plus grand plaisir de l’extrême droite. À cela, toute la gauche sociale et politique devrait s’opposer.