Publié le Dimanche 5 novembre 2017 à 07h10.

Directive européenne sur les travailleurs détachés… des droits minimum

La semaine dernière, le gouvernement a annoncé fièrement sa réussite concernant la révision de la directive sur les travailleurEs détachés. Un accord a été trouvé. Macron a crié victoire, s’empressant de déclarer à la presse que la limitation à 12 mois de la durée du détachement était une « première étape vers l’Europe que nous souhaitons, celle qui protège et celle qui unit ». Vraiment ?

Braquer les projecteurs sur ce sujet, c’est une façon pour Macron de faire semblant de se préoccuper des travailleurEs tout en flattant le sentiment nationaliste. La chasse habituelle sur les terres du FN...

Rappelons que le détachement ne représente que 0,9 % de l’emploi en Europe, 0,7 % en France. Et que la France est à la troisième place des pays... dont sont originaires les travailleurEs détachés en Europe, dans des secteurs tel que la finance, l’assurance et l’immobilier. On comprend donc que le président banquier n’ait pas à cœur de remettre en cause le détachement en lui-même, qui profite bien aux grandes ­entreprises françaises.

Esbroufe

L’accord ne prévoit presque rien en réalité. 12 mois au maximum pour un détachement : une promesse de campagne de Macron ; un « point chaud » de la négociation...  Mais non seulement l’accord autorise une prolongation de cette durée de six mois sur simple déclaration et de plus, il s’agit d’un faux débat, la durée moyenne du détachement dans l’UE étant de moins de quatre mois. 

Autre point présenté comme une avancée : l’obligation d’appliquer aux travailleurEs détachés la rémunération du pays d’accueil – avec tous les avantages que cela implique (primes, treizième mois, etc.), et plus seulement le salaire de base – ainsi que l’obligation de leur appliquer les conventions collectives. Il s’agirait donc d’éviter que les travailleurs détachés soient payés au rabais.

Mais en théorie, c’est déjà ce que prévoit le droit concernant les travailleurEs détachés. Selon le Code du travail qui transpose la directive de 1996, les employeurs qui détachent des travailleurEs en France doivent appliquer la loi et les conventions collectives françaises dans certaines matières, ce que l’on appelle le « noyau dur ». Ainsi l’employeur doit à ses travailleurEs détachés le salaire minimum du pays d’accueil, y compris les majorations pour les heures supplémentaires, ainsi que les accessoires de salaire légalement ou conventionnellement fixés. Les accessoires de salaire désignent les différentes primes, avantages en nature, frais professionnels et indemnités versées par ­l’employeur en sus des salaires de base. 

L’exemple du BTP

Dans le bâtiment, secteur emblématique des débats sur le détachement, il s’agit par exemple des indemnités pour les « petits déplacements ». Le problème c’est que l’indemnité de trajets et l’indemnité de transport pour les petits déplacements, qui constituent pour les ouvrierEs français un ajout significatif à leur salaire, n’est pas dû à la majorité des détachés. En effet, ces indemnités ne sont versées que si le transport n’est pas organisé par l’entreprise et si le ou la salariéE n’est pas logé par l’entreprise à proximité du chantier. Deux conditions rarement réunies pour les travailleurEs étrangers détachés dans le BTP qui sont le plus souvent logés par leur employeur dans un logement collectif à proximité du chantier et transportés au travail par une camionnette de l’entreprise.

Tout est fait pour que ces travailleurEs ne perçoivent rien de plus que le minimum conventionnel français, qui est de toute façon dans le BTP au niveau du SMIC.

De plus, la révision de la directive ne va rien changer au fait que les cotisations sociales des travailleurEs détachés sont payées par son employeur dans le pays d’origine, ce qui fait que le salaire brut des travailleurEs détaché restera très souvent inférieur aux salaires du pays d’accueil. Elle ne va rien changer non plus au fait que seule une toute petite partie du Code du travail s’applique aux travailleurEs détachés. 

Pour que cela change vraiment

Les directions syndicales sont dépassées. Dans un communiqué du Comité de dialogue social européen et international (CFDT, CGT, Force ouvrière, CFTC et CFE-CGC), elles ont rappelé qu’elles espéraient « une égalité de traitement entre travailleurs dans la définition d’un salaire minimum ». Or, c’est théoriquement déjà le cas ! 

Pas la peine d’espérer davantage sans se donner les moyens que les choses changent. À l’instar de la sous-traitance et de l’intérim, le détachement permet aux grandes entreprises françaises de diminuer leurs coûts en ayant recours à une main-d’œuvre corvéable à merci. Et par ce biais, de mettre la pression à touTEs les travailleurEs.

Le problème, ce n’est pas la lutte contre le « dumping social » (façon politiquement correcte de renvoyer à l’étranger la responsabilité des problèmes et d’alimenter la xénophobie et le racisme ambiant) et la solution ce n’est pas de batailler sur des règles symboliques censées limiter les dégâts.

Le fond du problème, c’est la trop grande liberté laissées aux entreprises d’exploiter toujours plus la force de travail en la divisant en sous-catégories. Il faut combattre cette division dans nos propres rangs et revendiquer clairement la suppression du dispositif du détachement, forme légale de marchandage, et l’embauche des travailleurEs étrangers par les entreprises donneuses d’ordre avec les mêmes droits que les travailleurEs nationaux. Cela s’accompagne d’une position sans équivoque en faveur de la liberté de circulation et d’installation pour toutes et tous, quel que soit le pays d’origine.

Comité inspection du travail Île-de-France