Mardi 16 décembre, l’Assemblée nationale a approuvé à la quasi unanimité le projet de loi de réforme de l’asile proposé par le ministre de l’Intérieur en juillet 2014, projet discuté devant des rangs bien clairsemés.
Présenté comme devant sauver l’asile, ce projet fera passer la France pour un « bon élève » au niveau européen. Mais une analyse approfondie des aspects juridiques du texte révèle le sens voulu et réel de la réforme, à savoir sauver l’asile... en se débarrassant d’une partie des demandeurs d’asile.Présentées comme des mesures de bon sens, l’accélération et la simplification du traitement des demandes se traduiront par des économies : le versement de l’ATA (1) durera moins longtemps, les CADA (2) seront désengorgés. À tous les stades de la nouvelle procédure, chaque administration aura désormais comme objectif de gérer des flux – là le discours se confond avec celui de la gestion de l’immigration –, et tout est mis en œuvre pour réduire drastiquement le nombre des demandeurs. À titre d’exemple, un demandeur d’asile n’aura plus que quatre mois à compter de son arrivée en France pour déposer sa demande.Sont mis en place des sas d’évaluation et partant, de tri entre « bonnes » et« mauvaises » demandes, et les secondes seront évacuées en vertu d’appréciations a priori et rejetées au nom de l’« irrecevabilité ». Cette notion se veut contrebalancée par celle de l’attention portée à la « vulnérabilité » de la personne, qui deviendra un critère de tri supplémentaire, jetant dans le néant les personnes qui ont des raisons sérieuses de craindre dans le futur des persécutions, mais n’en n’auraient pas subi dans le passé.
La parole du demandeur d’asile inaudible...Et c’est une administration – à un guichet – qui évaluera la dite «vulnérabilité », d’une manière forcément intrusive et relative, pour offrir à l’estampillé « vulnérable » un dispositif d’accueil qui favorisera l’assistance paternaliste des unEs, et non la reconnaissance de toutEs. À tous les stades de la procédure, la parole du demandeur d’asile sera inaudible et devra s’effacer, face à une gestion peu attentive au récit de l’intéresséE, mais soucieuse de faire du chiffre.C’est ce qu’ont dénoncé notamment Amnesty International, la Cimade, le Réseau Éducation sans frontières (RESF), le Secours catholique, la Ligue des droits de l’homme (LDH) et l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT). Seuls des députés comme Denys Robiliard (PS) (3) ou Sergio Coronado (EÉLV) auront tenté de défendre becs et ongles les droits des demandeurs d’asile, faisant écho aux préoccupations des associations. Parties en ordre dispersé, ces dernières n’ont pourtant pas dépassé le stade du commentaire critique, et hormis les prises de positions communes au sein de la CFDA (4), la campagne unitaire n’a pas eu vraiment lieu. Pour sa part, dès l’annonce du projet de loi, l’ACAT a pris les devants et a mené une campagne mobilisatrice, opiniâtre et de longue haleine.
Correspondante1 – Allocation temporaire d’attente, versée au demandeur d’asile pendant l’instruction jusqu’à la réponse à sa demande2 – Centre d’accueil de demandeurs d’asile, où sont hébergés les demandeurs d’asile dans l’attente d’une réponse définitive à leur demande, et dont le nombre est insuffisant.3 – Ancien président de la section française d’Amnesty International4 – Coordination française pour le droit d’asile, qui regroupe une vingtaine d’associations.