Voici maintenant plus de 30 ans que la gauche promet aux étrangers le « Droit de vote aux élections municipales après cinq ans de présence sur le territoire français. » Las ! Pour minimale que soit cette proposition, énoncée par F. Mitterrand dès 1981, elle n’a jamais cessé d’être l’objet d’un coupable renoncement.Une fois élu, Mitterrand ne fera rien ; il renouvellera toutefois sa promesse pour l’élection de 1988, avant de faire volte-face dans sa Lettre aux Français : « Même si je sais que vous êtes, dans votre grande majorité, hostiles à une mesure de ce genre, je déplore personnellement que l’état de nos mœurs ne nous la permette pas ». Un peu plus d’une décennie plus tard, en 2000, c’est sans enthousiasme que Lionel ressort le projet : il faut dire que, les étrangers communautaires pouvant désormais voter aux européennes et aux municipales, la discrimination à l’encontre d’extra-communautaires ayant passé parfois presque toute leur vie en France devient par trop flagrante et que l’idée d’une « citoyenneté de résidence » a fait son chemin. Mais le texte qu’il présente à l’Assemblée nationale n’arrive pas jusqu’au Sénat.Pour l’élection présidentielle de 2012, François Hollande et le Parti socialiste, réitèrent néanmoins la promesse de 1981, en y ajoutant même l’éligibilité, avec toutefois une restriction de taille pour les fonctions de maire et même d’adjoint. En décembre 2011, le Sénat passé à gauche semble anticiper cette décision, avec l’adoption d’un projet de loi constitutionnelle.Tout cela pour que, à nouveau, le ministre de l’Intérieur, en charge du dossier, marque clairement son intention de l’enterrer, déclarant dès le mois de juin : « Ce n’est pas du tout le même symbole qu’en 1981, où ce droit de vote apparaissait comme une reconnaissance à l’égard de ceux qui venaient travailler dans notre pays ». Pourquoi ? Comprennent qui pourra !On ne manquera certainement pas d’observer qu’au regard des pratiques anciennes dans nombre de pays européens, la mesure figurant dans le programme de François Hollande n’a rien de révolutionnaire. En Irlande, tous les résidents étrangers ont le droit de vote aux élections municipales depuis 1963, sans condition de durée de présence ! Les étrangers extra-communautaires votent également en Suède (depuis 1975), au Danemark (depuis 1981), aux Pays-Bas (depuis 1983), et maintenant, au Luxembourg, en Belgique, Finlande, Estonie, Lituanie, Hongrie, République tchèque, Slovaquie et Slovénie, ainsi que dans plusieurs cantons suisses. Dans d’autres pays, le droit de vote aux élections locales est restreint, mais non exclu : réservé aux ressortissants des États membres du Commonwealth en Grande-Bretagne, soumis à une condition de réciprocité en Espagne et au Portugal, où le droit de vote peut être accordé aux étrangers sous réserve qu’il en soit de même pour les ressortissants espagnols et portugais dans leur pays d’origine. En Allemagne et en Autriche, ce sont les cours Constitutionnelles qui ont bloqué un processus pourtant bien engagé. La France est donc nettement à la traîne.Aujourd’hui, indépendamment de la question de la limitation du projet socialiste aux seules élections locales, à l’instar de ce qui se passe dans ces pays, force est de constater que le nouveau sauve-qui-peut, lâche ou hypocrite, de la gauche de gouvernement s’inscrit dans un contexte où la droite et l’extrême droite battent campagne, avec des tonalités ahurissantes de mobilisation pour la défense de la Patrie en danger (alors même que Nicolas Sarkozy se déclarait quelques années plus tôt favorable à cette mesure). Il ne s’agit donc plus de savoir si cette question doit être considérée comme clivante, puisque ce sont nos ennemis de toujours qui ont décidé de cliver, sur une base raciste et xénophobe. Nous n’avons pas à ergoter sur l’état de la société, les faibles chances d’obtenir au Congrès la majorité des trois cinquièmes, les risques du recours à la procédure plus que contestable du référendum… Nous n’avons pas d’autre choix que de nous engager frontalement dans le débat public et d’en découdre.Commission immigration