Alors que les projecteurs sont une nouvelle fois braqués sur la « jungle » de Calais (voir article en page 9), la situation dramatique des réfugiéEs et migrantEs se dégrade encore aux frontières de l’Europe forteresse et à l’intérieur des États de l’Union européenne, sur fond de montée du racisme et de l’islamophobie.
Réunie à Johannesburg en congrès les 23 et 24 août, la pourtant très modérée Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), a adressé à l’Union européenne une motion qui affirme que « l’UE et ses États membres ont honteusement échoué à adapter leurs politiques migratoires et d’asile à l’afflux de réfugiés, à faire preuve de solidarité, à protéger les droits de l’homme et des migrants, chercheurs d’asile et réfugiés, et à maintenir un état de droit ».
En Allemagne montée du racisme
L’élection régionale au Land de Mecklembourg-Poméranie a vu ce week-end la percée triomphale, avec 22 % des voix, de l’AfD (Alternative für Deutschland), détrônant ainsi la CDU d’Angela Merkel. Cette victoire d’un parti ouvertement raciste et xénophobe, dont la porte parole Beatrix von Storch n’est autre que la petite-fille du ministre des Finances d’Hitler (!), démontre l’efficacité et le pouvoir de nuisance des discours nationalistes et islamophobes durant ladite « crise migratoire ». Les dirigeants de l’AfD ne s’en cachent d’ailleurs pas puisqu’ils attribuent leur résultat au fait de n’avoir mené campagne que sur « un seul thème, la politique sur les réfugiés »...
À la frontière turco-syrienne, opération « bouclier de l’Euphrate »
Félicité par Bruxelles et l’administration étatsunienne, le dictateur turc Erdogan annonce le succès de l’opération militaire « bouclier de l’Euphrate ». En deux semaines, l’armée turque a occupé une zone d’une centaine de kilomètres en territoire syrien, rendant prétendument hermétique la frontière entre les deux pays, isolant Daesh. Cette opération vise surtout à réprimer la population kurde et à empêcher la constitution d’une entité indépendante au Rojava. Les autorités turques prétendent ainsi « relocaliser les réfugiés syriens » dans une zone tampon de 90 kilomètres sur 40 dans le nord de la Syrie. On n’ose imaginer le sort qui sera réservé aux réfugiés dans cette enclave concentrationnaire.
Extension de l’opération « Sophia » en Libye
Présentée par l’UE comme une opération humanitaire, la mission Sophia n’a d’autre but que de stopper l’immigration vers l’Italie de 200 000 migrantEs bloqués en Libye. Ceux-ci, hommes, femmes et enfants venus essentiellement de l’ouest de l’Afrique et de sa corne, y subissent des traitements inhumains : sévices sexuels, violences, exploitation, traite des êtres humains (selon le rapport annuel d’Amnesty International). Ce sont des milliers de personnes embarquées sur des rafiots de fortune qui, chaque semaine, sont secourus par les gardes-côtes italiens. Et ce sont des dizaines de milliers qui périssent dans l’anonymat au fond de la Méditerranée. Face à ce drame, l’UE n’envisage qu’un accord avec les autorités libyennes visant à stopper l’immigration vers l’Italie en créant des « hot spots » (flottants ?) et « des centres de détentions ».
De l’air, ouvrons les frontières !
Nous l’avons maintes fois répété dans ces colonnes : le drame qui se joue aux frontières de l’Europe n’est pas inéluctable. Il est le produit des politiques guerrières, racistes et nationalistes, des gouvernements européens. Déstabilisées par les attentats de Daesh et les campagnes islamophobes distillées par certains médias et réseaux sociaux, les « opinions publiques » ont détourné les yeux et se sont bouché les oreilles, déléguant aux plus démagogues la « gestion » d’un problème qu’ils ne veulent plus envisager sereinement.
Pour stopper l’hécatombe dont sont victimes les migrantEs et réfugiéEs, la solution est pourtant simple : ouverture des frontières, droit de circulation et d’installation. Parvenir à rendre audibles ces revendications nécessite de se mobiliser de façon conséquente, de prendre l’initiative dans les campagnes de soutien aux migrantEs, et de trouver des axes et des dates de convergence pour massifier les mobilisations. Nous ne partons pas de rien : dans plusieurs pays, ces cadres de mobilisation existent. C’est le cas en Grande-Bretagne où Stand Up To Racism rassemble de multiples organisations, syndicats es associations, tout comme en Grèce avec Keerfa. Il est de notre responsabilité qu’il en soit de même pour la France.
Alain Pojolat