Plus de quatre mois de grève des travailleurs sans-papiers de l’agence Chronopost d’Alfortville, et ces derniers se voient toujours opposer un refus à leur revendication de travailler dans les mêmes conditions — et avec les mêmes droits — que leurs collègues. En d’autres termes, d’être embauchés et régularisés.
La ténacité des grévistes, leur capacité d’initiative qui se traduit par de nombreuses actions menées tant vers les employeurs (groupe La Poste, entreprise sous-traitante, agence d’intérim) que vers l’État (préfecture du 94, DIRECCTE, ministère du Travail), ainsi que la solidarité qui s’organise autour d’eux, obligent toutefois les pouvoirs publics à ne pas les ignorer.
Ainsi, fin septembre, le préfet du Val-de-Marne recevait, pour la première fois en personne, des délégués des grévistes et du Collectif des travailleurs sans-papiers de Vitry, des représentantEs des organisations syndicales les soutenant, ainsi que des éluEs. S’il s’est engagé à étudier les dossiers « avec un regard bienveillant » (c’est-à-dire en allant au-delà des critères de régularisation par le travail de la circulaire Valls), il annonce, dans le même mouvement, avant même toute étude des dossiers, que tous ne seront pas régularisés. Une application stricte du cas par cas, qui est en même temps un positionnement conforme à la politique gouvernementale, notamment exprimée par le discours de Philippe devant l’Assemblée nationale le 7 octobre.
Quand l’État couvre l’État
Parallèlement, en insistant sur le fait que les travailleurs de Chronopost n’auraient, selon lui, qu’un lien « ténu » avec le groupe La Poste (juridiquement parlant), le préfet adresse un message très clair, venant là aussi en ligne directe du gouvernement : La Poste est intouchable. Cette dernière a beau avoir changé de statut et être devenue une société anonyme, elle reste un État dans l’État. L’appareil administratif, en la personne du préfet du Val-de-Marne, couvre donc un patron qui n’est autre au final que… le sien. Un bel exemple (de plus !) d’hypocrisie.
La France s’enorgueillit d’être le premier pays à avoir voté (en 2017) une loi obligeant les entreprises de plus de 5 000 salariéEs à établir un « plan de vigilance » visant à prévenir les risques, notamment en matière de droits humains, sur leurs propres activités mais aussi sur celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs. Outre le fait que cette loi est insuffisamment contraignante, l’État devrait commencer par balayer devant sa porte. Chronopost connaissait parfaitement, contrairement à ce que clame Wahl (le PDG de La Poste), la situation d’irrégularité de ces travailleurs. En effet la hiérarchie de l’agence refusait, pour cette raison précise, de leur fournir un badge d’accès (les obligeant à venir une demi-heure plus tôt au travail pour entrer en même temps que d’autres salariéEs). C’est donc en toute connaissance de cause que le patronat postal exploite des travailleurs sans-papiers. Ne s’agit-il pas d’une violation caractérisée des droits humains ?
Alors certes, les Chronopost se battent contre un adversaire de taille, un ennemi de classe à double visage, étatique et patronal. Mais ils ne lâchent pas l’affaire. La solidarité militante et financière est donc plus que nécessaire. Une politique visant à faire converger les mobilisations de travailleurEs sans-papiers, au-delà des barrières organisationnelles, l’est tout autant.
Édouard Gautier
Cagnotte en ligne : https://www.lepotsolidaire.fr/pot/7g909is1
Pétition de soutien : http://chng.it/XWfPjQyNBB