Mardi 17 octobre au petit matin, plus d’une centaine de travailleurs sans-papiers ont investi le chantier de l’Adidas Arena, situé porte de la Chapelle dans le 18e arrondissement de Paris et destiné à accueillir plusieurs épreuves des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
Soutenus par la CNT-SO, les collectifs Droits Devant !, Gilets noirs et CSP75, ils ont occupé le site, sur lequel certains travaillent ou ont travaillé comme intérimaires au profit des multiples sous-traitants qui interviennent pour le compte de Bouygues, au cri de « Pas de papiers, pas de JO ». Un exemple de plus, s’il en était besoin, que « l’exemplarité » des chantiers des JO est totalement bidon.
Dans le même temps, plus de 600 autres salariéEs, coordonnéEs et soutenuEs par la CGT, ont déclenché un mouvement de grève dans 33 entreprises d’Île-de-France (agences d’intérim et entreprises de nettoyage principalement) afin d’exiger de leurs patrons les documents permettant de présenter une demande de régularisation.
Les résultats ne se sont pas fait attendre. Après une journée d’occupation du chantier de l’Adidas Arena, des accords ont été signés entre les occupants, la société d’économie mixte qui va exploiter le site (co-détenue par la Ville de Paris et la multinationale américaine AEG) et les entreprises de bâtiment, prévoyant la délivrance des Cerfa nécessaires aux démarches en préfecture pour l’obtention d’un titre de séjour. Les piquets coordonnés par la CGT ont également été rapidement levés un à un, au fur et à mesure que les entreprises ont accédé aux revendications des grévistes.
Poursuivre dans l’unité
La mobilisation devra probablement se poursuivre pour forcer la main à l’État, car le préfet Nunez s’est empressé d’annoncer qu’il n’était pas tenu par les accords conclus à l’Adidas Arena, et les collectifs qui ont organisé l’action n’ont pas le même poids que la CGT. Si l’occupation du chantier et le mouvement de grève francilien se sont déroulés en parallèle, ils n’étaient pas coordonnés et unis. En cause, des années de mésententes et de rivalités entre certains collectifs et la centrale syndicale, à laquelle est notamment reprochée une forme de sélection des grévistes préalablement au déclenchement des conflits, en fonction de la proximité de leur situation avec les critères de régularisation définis par la circulaire Valls. Le syndicat fait valoir de son côté qu’aucune organisation n’arrive à faire mieux, et que les régularisations obtenues participent d’un rapport de forces global qui profite à toutEs les migrantEs.
Malgré ces dissensions, ce mouvement d’un niveau inédit depuis dix ans au regard du nombre de salariéEs mobiliséEs constitue un bol d’air dans une situation de durcissement des conditions de vie des travailleurEs migrantEs. En effet, au prétexte de dématérialisation, les préfectures ont réduit drastiquement voire supprimé les rendez-vous permettant de présenter une demande de titre de séjour. Malgré plusieurs condamnations devant les tribunaux administratifs, ces pratiques se poursuivent, au point que des travailleurEs en situation régulière perdent leur emploi faute de renouvellement de leurs papiers ou même de délivrance d’un simple récépissé attestant des démarches en cours ! Cette grève massive intervient également alors que le gouvernement, la droite et le RN se livrent à une surenchère raciste dans le cadre des débats sur la loi immigration portée par le ministre Darmanin. Dans ce contexte, le mouvement des travailleurEs sans papiers pointe à juste titre l’existence d’une division raciale du travail et met à nu l’hyprocrisie de celles et ceux qui feignent d’ignorer que les profits de branches entières du capitalisme français ne viennent que de la surexploitation des migrantEs. Nous devons donc l’entourer de toute notre solidarité.