Publié le Lundi 22 février 2010 à 10h03.

Immigration : « 24 heures sans nous »

Alors que le gouvernement stigmatise les travailleurs immigrés, le 1er mars, une « journée sans immigrés » est organisée en France afin de « changer le regard sur l’immigration ». En septembre 2009, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, suscitait l’indignation  en disant, lors de l’université d’été de l’UMP : « Quand il y en a un, ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ». Confronté au manque d’initiatives des acteurs de la gauche, un collectif1 s’est créé et a décidé d’organiser une action, le 1er mars, une « journée sans immigrés ». Ce jour-là, les immigrés sont appelés à ne pas participer à la vie économique du pays, c’est-à-dire ne pas se rendre au travail et ne pas consommer. « 24 heures sans nous » sera le slogan de cette journée, une action inédite qui a pour but de montrer que l’immigration n’est pas un « problème » mais représente au contraire un apport important à l’économie du pays. Une action similaire, « A day without an immigrant », a eu lieu, le 1er mai 2006, aux États-Unis sous l’administration Bush, après l’annonce d’un projet de loi prévoyant que « toute personne résidant illégalement aux États-Unis sera considérée comme criminelle, ainsi que toute personne hébergeant ou employant un immigré clandestin ». Près de deux millions de manifestants avaient défilé ce jour-là à Los Angeles. En France, le mouvement de grève des 6 000 travailleurs sans papiers, qui a débuté le 12 octobre, a fait tomber l’argument mensonger de la droite présentant les immigrés comme des assistés profitant des aides sociales. De nombreux secteurs d’activité sont touchés par ces grèves : sociétés de nettoyage, chantiers du tramway, BTP, boîtes d’intérim, aides aux personnes…

Les grévistes réclament leur régularisation et l’accès aux droits fondamentaux de tous les travailleurs. Ils font éclater au grand jour leurs conditions de travail et leur exploitation indigne. Ils montrent qu’ils sont au cœur d’un système, utilisés comme une main-d’œuvre bon marché par des entreprises privées et publiques tout en étant victimes de la répression policière. Cette grève met les patrons et le gouvernement dans l’embarras car elle montre clairement que la situation des sans-papiers profite aux patrons en leur permettant de dégrader les salaires et les conditions de travail de tous les travailleurs. L’initiative de la journée sans immigrés du 1er mars se veut une action coup de poing, une occasion de montrer que la France ne peut se passer de l’immigration et de susciter une prise de conscience dans la population. Elle est devenue rapidement très populaire auprès des immigrés et des enfants issus de l’immigration. Les réseaux sociaux, tels que Facebook ou Twitter, ont contribué à ce boom médiatique. Des milliers de personnes se déclarent aujourd’hui prêtes à rejoindre ce mouvement du 1er mars. Même si on peut se réjouir de cette initiative, aucune manifestation n’est prévue ce jour-là afin, selon les fondateurs du collectif, d’éviter des débordements. Le cadre organisationnel s’est voulu dès le départ informel et flou pour « rester une plateforme la plus large possible, pour toucher le plus grand nombre, de droite comme de gauche » (Nadia Lamarkbi, présidente du collectif). Une lettre a même été envoyée par le collectif à Nicolas Sarkozy pour qu’il se joigne à cette initiative de par ses origines hongroises. On espère que c’est par dérision… Les personnes victimes du racisme au quotidien sont souvent les plus précaires et les plus pauvres et certaines ont déclaré ne pas pouvoir prendre le risque de s’absenter du travail. Le collectif n’a pas su impliquer les syndicats pour déposer un appel à la grève massive à cause d’une prétendue peur de récupération politique. Il propose à défaut la mise en place d’un brassard solidaire. Un appel à la grève associé à une manifestation aurait permis à un plus grand nombre de personnes, immigrées ou pas, de s’impliquer et de rendre cette action plus visible. Aucune stratégie à long terme n’a été définie et on peut regretter le manque de revendications. Une telle initiative aurait pu être l’occasion de faire le lien avec la régularisation de tous les sans-papiers, la suppression du ministère de l’Identité nationale. Les limites de la journée sans immigrés du 1er mars en France ne doivent pas nous empêcher de constater que cette action est une des rares propositions concrètes qui a émergé au moment où le gouvernement utilise le racisme comme arme de division. La gauche française a été malheureusement incapable ces derniers mois d’apporter une réponse conséquente à la question du racisme d’État et aux multiples dérapages du gouvernement. Le NPA doit à présent se saisir de cette journée et être une force de proposition, soutenir cette action et la rendre plus combative afin qu’elle serve comme point d’appui pour la suite. Dans le contexte que nous vivons, le NPA fait de la question du racisme une priorité et cherche à construire un large mouvement antiraciste. Laetitia1. http://www.la-journee-sans-immigres.org