Publié le Samedi 29 mai 2010 à 09h16.

La marche des sans-papiers accueillie à bras ouverts

Depuis le 1er Mai, une centaine de sans-papiers a entamé une longue marche de Paris à Nice pour exiger la régularisation de tous les sans-papiers. Parmi eux Anzoumane Sissoko, porte-parole de la coordination 75 des sans-papiers et délégué du ministère de la Régularisation de tous les sans-papiers.Pourquoi entreprendre une marche de Paris à Nice ?Nous avons pris la décision avec l’ensemble des organisations qui soutiennent le mouvement des sans-papiers de faire cette marche de Paris à Nice. Pourquoi Nice ? Parce que les 31 mai et 1er juin s’y déroulera un sommet qui réunira plus de 67 chefs d’État africains avec la France pour fêter le cinquantième anniversaire des indépendances de quatorze anciennes colonies françaises. Pour nous, le mouvement des sans-papiers, la meilleure manière de participer à ce sommet était de faire une marche symbolique en direction de Nice du 1er Mai, journée symbolique pour la lutte ouvrière en France, jusqu’au 30 mai, où une manifestation est prévue à l’arrivée des marcheurs. À travers cette marche, j’ai remarqué que des associations, des syndicats et des partis politiques avec des idées différentes, qui n’avaient rien fait ensemble depuis plusieurs années, se sont mis à accueillir les marcheurs. Les citoyens, les religieux, les institutions, notamment les mairies, se sont mis aussi à leurs côtés. En tout cas, on a gagné quelque chose. Quand on a pris la décision de faire cette marche Paris-Nice, on n’était pas sûrs de gagner l’opinion puisque Sarkozy a changé ou modifié le code d’entrée et de séjour dans votre pays six fois en huit ans. On ne s’attendait donc pas à cet accueil chaleureux des citoyens français. D’abord, c’est quelque chose de gagné. Ensuite on voit mal les chefs d’État africains refuser de nous recevoir à Nice, dans la mesure où tous les maires du parcours, tous les élus, les citoyens, les syndicats, les religieux et partis politiques nous ont accueillis à bras ouverts. Qu’allez-vous leur demander ?On va leur demander la régularisation de tous les sans-papiers et des moratoires sur les expulsions. En France aujourd’hui, un sans-papiers peut être expulsé en un mois. Et nous, les sans-papiers de France, qui travaillons, qui cotisons, qui payons des impôts, nous pouvons faire la demande de régularisation durant six mois, un an, deux ans, nous n’avons pas de réponse. Ce n’est pas normal. C’est cela qu’il faut expliquer aux chefs d’État. Il ne faut pas qu’ils collaborent avec la France pour les expulsions. On va être clairs sur ce point et demander à ces chefs d’État et à la France la régularisation de tous les sans-papiers. Le mouvement de grève actuel est-il différent ou bien s’agit-il de la même lutte ?Cela fait partie de la lutte que nous menons depuis plusieurs années. Mais le problème c’est que la grève en elle-même ne suffit pas. Il y a des gens qui ne peuvent pas se mettre en grève. Nous, on est là aujourd’hui pour compenser, pour les gens qui ne peuvent pas se mettre en grève. Ce ne sont donc pas des luttes qui s’opposent mais des luttes complémentaires. Cette unité que vous constatez à chaque étape, comment se fait-il qu’elle n’arrive pas à se concrétiser à un niveau national ? Je pense qu’à la fin de cette marche, il sera possible de faire l’unité au niveau national. Parce que si on voit ce qui s’est passé à Sens, à Grenoble, à Joigny, à Auxerre, à Dijon, à Migennes, à Roussillon, à Valence, à Lyon, tout le monde était derrière les marcheurs. Je ne vois pas pourquoi à Paris, on ne pourrait pas faire cela. Je pense que les soutiens qui sont avec nous à Baudelique devront nous aider à notre retour à faire cette unité que tout le monde attend. Quand j’ai visité La Friche1, cela m’a donné beaucoup d’idées. Pourquoi ne pas s’en inspirer pour essayer de faire la même chose à Baudelique pour que toutes les associations, les syndicats, les partis politiques puissent être là avec le mouvement des sans-papiers et faire vivre le lieu ? Je voulais souligner aussi que tous les citoyens, associations, syndicats, partis politiques ont fait le nécessaire pour cette marche, et je pense particulièrement à RESF et au NPA qui ont vraiment mobilisé partout où nous sommes passés. 1. Ancien site des usines Renault à Lyon, La Friche RVI est aujourd’hui un espace autogéré dédié aux échanges socio-culturels et artistiques. C’est également l’endroit où les marcheurs ont été accueillis durant leur séjour à Lyon. www.ministere-de-la-regularisation-de-tous-les-sans-papiers.netPropos recueillis par Alain Pojolat et Ambre Bragard