Publié le Mercredi 18 mars 2020 à 14h43.

L’apocalypse, rue de Stalingrad à Montreuil

À Montreuil, le foyer Bara était une institution pour la population montreuilloise mais aussi pour touTEs les malienEs. Construit il y a 50 ans pour loger 400 travailleurs, il en accueillait, il y a encore quelques mois, entre 800 et 1000 dans des conditions de vie extrêmement difficiles (roulement pour dormir dans les lits, locaux délabrés et laissé à l’abandon par le bailleur..). C’est pourquoi sa démolition était nécessaire.Mais le foyer était dans le bas-Montreuil, une zone proche du métro et de Paris où les prix du m2 sont désormais autour de 10 000 euros. La mairie, la préfecture et le bailleur auraient pu reconstruire un bâtiment neuf et fonctionnel sur le même site. Mais tout ce beau petit monde a décidé que le lieu était trop beau pour y loger des travailleurs immigrés et que l’emplacement de l’ancien foyer serait une opération financière juteuse.Dans un premier temps, on aurait pu croire que le maire, Patrice Bessac, avait décidé de venir en aide à ces travailleurs en réquisitionnant les anciens locaux de l’Afpa. Mais il y a quelques mois, au début de l’hiver, ils ont été expulsés. Le nouveau foyer a été reconstruit aux marges de la ville, et uniquement pour les occupants légaux de l’ancien foyer, laissant près de 300 personnes à la rue. Désormais, ceux qui n’ont pas trouvé de solution (familiale, par exemple) ont été remisés dans un petit hangar industriel, parqués dans la misère au 138 rue de Stalingrad. Et là c’est l’apocalypse.

Si le feu prend...

Dans ce petit local d’environ 250 m2 survivent 230 travailleurs. De la végétation pousse à l’intérieur par les interstices d’une toiture qui fuit à plusieurs endroits. Certaines plaques du faux-plafond ne tiennent plus que par habitude.Les groupes de deux lits superposés, posés sur un sol défoncé, sont espacés par des « couloirs » de 50 cm. Aucune intimité. Le bruit et la lumière sont permanents pour le travailleur de nuit qui cherche le sommeil dans la journée. Il n’y a pas de chauffage et les nuits d’hiver sont glaciales dans ce local qui n’est pas isolé. Il n’y a que cinq toilettes de chantier (soit un toilette pour 45 personnes). Il n’y a que six douches et autant de lavabos, le tout ne fournissant que de l’eau froide pour se laver.Il n’y a évidemment pas de cuisine. Dans un coin, sur une table, il y a juste une cafetière électrique et un four micro-onde.Aucune norme de sécurité n’est respectée. Si le feu prenait tous les occupants brûleraient vifs ou asphyxiés par les émanations de la combustion des matelas en mousse, tant l’espace entre les lits est faible et l’entassement maximum.

L’épidémie

À l’inhumanité de ces conditions de vie vient s’ajouter maintenant l’angoisse de l’épidémie de coronavirus. Après les restrictions d’accès à l’AME (Aide médicale d’État), les 230 occupants sont sans aucun soin depuis des mois. Les conditions de travail de certains de ces sans-papiers et leurs conditions de logement, ont affaibli aussi les organismes. Comment, dans ces conditions, résister à une maladie pour laquelle il n’y a pas de traitement ? Comment se conformer à l’obligation de confinement alors que 230 êtres humains vivent les uns sur les autres, entassés dans un espace si petit ? Dès qu’un premier cas apparaîtra, beaucoup tomberont rapidement malades ! Il y a fort à parier que les services sanitaires ne les prendront pas en charge. Le taux de mortalité risque d’être élevé... Pour éviter la catastrophe, il faut que la mairie les reloge dans les jours qui viennent, dans des lieux où ils pourront être isolés par petits groupes et où ils auront des conditions d’hygiène et sanitaires dignes, comme l’ensemble de la population. La mairie dispose actuellement de suffisamment d’écoles vides pour pouvoir répartir ces 230 travailleurs montreuillois (depuis plus de 30 ans pour certains). Il faut aussi que l’État stoppe le harcèlement des migrantEs en les privant de soins : ces hommes et ces femmes sont en danger, et aussi, par ricochet, l’ensemble de la population. L’AME doit être remise en place sans aucune restrictions. Mais une fois cette crise terminée, l’errance de ces 230 ex-Bara ne doit pas se prolonger : il faut exiger la construction d’un nouveau foyer de travailleurs sur la commune.