Le 1er février, le projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » a été présenté au Conseil des ministres et enregistré au Sénat dans le cadre d’une « procédure accélérée », soit par une procédure dérogatoire qui autorisera le Premier ministre à convoquer la Commission mixte paritaire après une seule lecture par les deux assemblées, et non deux, alors que rien ne justifie d’abréger le temps des discussions.
Ce projet mêle les thèmes de l’asile et l’immigration. Les chapitres portant sur l’asile visent à décentraliser l’Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et réformer l’accès au travail pour les demandeurEs d’asile.
Actuellement les demandeurEs d’asile s’adressent au Guichet unique des demandeurs d’asile (GUDA) de la préfecture pour obtenir une autorisation de séjour et être reçus par des agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) en charge de leur hébergement et du versement des allocations de demandeurE d’asile. Leur demande d’asile est traitée par l’OFPRA dont le siège est à Fontenay-sous-Bois (94).
Regroupement OFII, OFPRA, préfectures
L’article 19 du projet de loi crée des pôles territoriaux dénommés « France-Asile » regroupant les services de la préfecture, ceux de l’OFII et, désormais, des agents de l’OFPRA chargés de l’introduction de la demande d’asile et des entretiens personnels. Cette décentralisation reviendra à menacer l’autonomie de l’OFPRA consacrée par la loi1.
Les demandeurEs d’asile qui ont reçu un rejet de l’OFPRA peuvent aujourd’hui porter un recours devant la CNDA, qui statue en formation collégiale comprenant notamment une personnalité nommée par le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies, à l’exception des rejets par irrecevabilité ou dans le cadre d’une procédure accélérée2. Cette cour compétente pour l’ensemble du territoire siège à Montreuil (93). L’article 20 du projet de loi porte création de cours territoriales, soit le démantèlement de l’actuelle cour. Cela aura pour conséquence de faire du juge unique la formation compétente, le renvoi en formation collégiale n’étant plus possible que lorsque la complexité de l’affaire le justifiera. Ce qui n’était aujourd’hui qu’une exception deviendra la règle.
Accès au travail selon le taux de protection de la nationalité du demandeurE
Actuellement, les demandeurEs d’asile dont la demande est pendante devant l’OFPRA depuis plus de six mois peuvent travailler à condition d’y avoir été autorisés par la préfecture. L’article 4 du projet de loi prévoit qu’ils auront accès au marché du travail dès l’introduction de leur demande à l’OFPRA (à l’exception de ceux placés en procédure accélérée) si, eu égard à leur nationalité, il y a une forte présomption qu’ils aient accès à une protection internationale, en d’autres termes une nationalité pour laquelle le taux de protection accordé est supérieur à un taux qui sera fixé par voie réglementaire. Mais quel en sera le critère : le taux de reconnaissance par l’OFPRA ou celui incluant les protections accordées par la CNDA ? Et quel en sera le seuil ? L’article 4 discrimine donc les demandeurEs d’asile en fonction de leur nationalité d’origine et des procédures en cours.
Toujours pas de droit au travail des demandeurEs sous procédure Dublin
Pour les demandeurEs d’asile placés en France sous procédure Dublin — soit les demandeurEs dont le traitement de la demande échoit à un autre pays et en attente de leur transfert — évalués à 40 % des demandeurEs, le Conseil d’État, par une décision du 24 février 2022, a jugé qu’il fallait revoir les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile3 en leur permettant de travailler. Or, le projet de loi ne leur ouvre toujours pas ce droit.
Ce projet ne présente aucune avancée pour les demandeurEs d’asile et ne répond à aucune des exigences exprimées par les associations de défense du droit d’asile qui ont exigé son retrait4. Il sera rapidement discuté dans les mois à venir, à l’exception d’un article qui a disparu du projet, mais figurait dans l’avant-projet, qui permettait de prononcer une mesure d’éloignement d’un débouté de l’asile dès le prononcé de la décision de rejet de l’OFPRA, alors que ce n’est possible actuellement qu’après une décision de rejet de la CNDA. Restons vigilantEs aussi pour que cette disposition abandonnée ne revienne pas sous la forme d’un amendement.
Maria Puccini
- 1. Article L121-7 — Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile — Légifrance (legifrance.gouv.fr) (https://www.legifrance.g…)
- 2. Pour les critères présidant au placement en procédure accélérée, voir Procédure accélérée (asile-en-france.com) (https://asile-en-france…)
- 3. « L’article L. 554-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est annulé en tant qu’il exclut l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile faisant l’objet d’une décision de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013. »
- 4. Projet de loi asile et immigration 2023 : péril sur le droit d’asile ! Coordination française pour le droit d’asile | CFDA (coordination-asile-cfda.fr) (https://coordination-asi…)