C’était il y a un mois. Le 2 juin, environ 400 migrantEs étaient évacuéEs du campement sous le métro La Chapelle (Paris 18e). Un mois plus tard, des centaines sont toujours à la rue dans des campements autour de La Chapelle mais aussi dans d’autres lieux de la capitale comme autour de la gare d’Austerlitz. Parmi elles/eux, nombreux sont les expulséEs du premier campement.
Pendant un mois, la mairie et la préfecture ont utilisé tous les moyens pour les rendre invisibles : de l’intervention policière violente aux propositions d’hébergement d’urgence. Mais les migrantEs sont toujours là, réorganisés dans un camp, à nouveau à la Halle Pajol et à Austerlitz. D’autres se sont réfugiés dans un square de La Chapelle, dans des conditions sanitaires catastrophiques, espérant échapper aux interventions policières.
Mensonges et hypocrisie
Pendant un mois la lutte des migrantEs et la solidarité qui s’est exprimée ont rendu évidents les mensonges des autorités. 110 places d’hébergement ont été débloquées puis 220. Implicitement, les autorités ont ainsi reconnu qu’elles avaient menti en disant que des solutions avaient été apportées à tous les expulséEs de La Chapelle le 2 juin...
Dans un tract diffusé dans le 18e arrondissement, le PS atteint des sommets d’ignominie en écrivant que « La Mairie de Paris et la grande solidarité de nombreux habitants du 18e ont beaucoup fait pour les migrants » !
Ces mensonges et cette hypocrisie, comme la violence imposée aux migrantEs, sont les conséquences d’un choix politique. Les autorités refusent de débloquer la seule solution à la fois « humaine » et rationnelle, et qui reste la première revendication des migrantEs : ouvrir un lieu collectif et pérenne qui évite aux migrantEs de rester dans la rue et leur permette aussi de s’organiser pour garantir leurs droits.
Car cela remettrait en cause toute la logique du pouvoir qui est de bloquer les flux migratoires. Une logique pourtant inefficace et meurtrière qui n’empêche pas la migration d’êtres humains qui n’ont plus rien à perdre. Et c’est elle qui tue en Méditerranée en poussant les migrantEs à prendre de plus en plus de risques, c’est elle qui ferme la frontière à Vintimille, construit des murs à Calais et laisse des femmes et des enfants à la rue à Paris, à Rennes ou à Bordeaux où un camp de Sahraouis vient d’être expulsé.
Une solidarité toujours vivante
Le cas des migrantEs est exemplaire. Débloqués pour les migrantEs, les places en centres d’hébergement d’urgence, déjà saturés, sont autant de places qui manquent pour les sans-abris alors que les préfectures expulsent en cette période estivale. Dresser des pauvres contre des pauvres est pain bénit pour les fascistes : un commando de Génération identitaire est allé sur le campement d’Austerlitz caillasser les migrantEs.
Alors que les personnels de l’AP-HP sont en lutte pour dénoncer les politiques d’austérité à l’hôpital, les urgences établissent des quotas pour les migrantEs, pourtant en détresse sanitaire, et remettent à la rue de manière précoce des migrantEs atteints de pathologies sérieuses. Les barbelés que le pouvoir érige autour des migrantEs enserrent et fragmentent toute la société.
Après un mois de lutte, la solidarité est toujours vivante. Elle montre aussi qu’une autre logique est possible. Cependant, les migrantEs sont fatiguéEs et se désespèrent. Les jours à venir seront déterminants pour redonner une visibilité à leur lutte. C’est notre vision du monde de demain qui se joue en ce moment, à Vintimille, à Calais comme à Paris.
Denis Godard