Le 15 mai dernier nous avons appris avec tristesse le décès de Madjiguène Cissé, au Sénégal. Déjà plus d’un quart de siècle que la route de Madjiguène Cissé a croisé celle des militantEs de la LCR.
Le 18 mars 1996, quelques mois après le mouvement de novembre-décembre 1995, des Africains sans-papiers, pour la plupart résidents des foyers de travailleurs migrants de Montreuil, confrontés aux lois Pasqua-Debré, occupent l’église Saint-Ambroise dans le 11e arrondissement de Paris. Ces lois étaient restrictives et avaient créé des situations absurdes.
Commence alors un mouvement qui s’inscrit dans la durée et est marqué par des pérégrinations dans Paris, des occupations, manifestations et diverses initiatives. D’autres collectifs de sans-papiers se créent, et le mouvement mobilise associations, organisations, personnalités et artistes.
Occupation, grève de la faim pour les droits des sans-papiers
Expulsés de Saint-Ambroise dès le 22 mars, les « sans-papiers », qui ne veulent plus être appelés « clandestins », occupent le gymnase Japy, sont accueillis temporairement dans divers locaux syndicaux, associatifs, passant par la Cartoucherie de Vincennes.
De là, ils partent occuper les entrepôts désaffectés de la Halle Pajol, appartenant à la SNCF où se déroulera une première grève de la faim.
Le gouvernement joue l’épuisement, campe sur ses positions, renvoyant les sans-papiers vers les préfectures. Le mouvement décide d’occuper un lieu plus en visibilité et investit, fin juin 1996, l’église Saint-Bernard dans le 18e arrondissement au cœur du quartier de la Goutte-d’Or.
Cette occupation dure huit semaines, pendant lesquelles se déroule une grève de la faim de dix sans-papiers avec une présence militante en soutien, nuit et jour.
L’énergie et la culture militante au service du mouvement
Ce mouvement n’a pu s’inscrire dans la durée et visibiliser la lutte des sans-papierEs que grâce à un fonctionnement interne particulier, un mouvement de soutien important. Ces sans-papierEs ont des visages, des délégués, des porte-parole et le visage des grévistes de la faim de Saint-Bernard.
Madjiguène Cissé était une de ces figures et non des moindres. Venue du Sénégal, professeur d’allemand, elle s’est jointe à ce mouvement et y a apporté son énergie, sa culture militante, ses capacités d’analyse et sa vivacité d’esprit.
Omniprésente, elle a toujours veillé à ce que les sans-papiers soient maîtres de leurs décisions, à ce que dans les rapports entre les sans-papiers et les militantEs présents en soutien à cette lutte, ceux-ci soient informés et associés le plus étroitement possible tout en respectant les décisions des sans-papierEs. Elle participera à l’auto-organisation des femmes sans-papierEs.
De retour au Sénégal, Madjiguène Cissé poursuit son action militante en direction des femmes avec l’animation du Réseau des femmes pour le développement durable en Afrique.
Les discussions avec elle étaient parfois vives, ponctuées de mouvements de la tête et des yeux qui lui étaient propres et chargés de signification.
De Pajol à Saint-Bernard et après, la LCR s’est engagée, à travers ses militantEs et ses porte-parole (Alain Krivine en particulier est présent avec une régularité sans faille) aux côtés des sans-papierEs, créant un lien fort avec Madjiguène Cissé.
Son passé militant, son intelligence et sa culture, mis au service de cette lutte, furent un atout pour les sans-papierEs, leur permettant de tenir le cap qu’ils et elles s’étaient fixé. Jusqu’au bout… Il nous reste les souvenirs, son regard pénétrant et nos convictions.