Publié le Mardi 20 mars 2018 à 23h55.

Marche des Solidarités : Du feu sous la neige

Nous étions plusieurs milliers à Paris ce 17 mars pour la Marche des Solidarités : 2 000 selon la police (une mauvaise blague), 10 000 selon Vies volées, 6 000 selon le site Paris luttes info. À ajouter au millier de manifestantEs de Toulouse et à ceux et celles d’Albi, Perpignan ou Marseille.

Commençons par l’évidence qui permettra de parler de ce qui importe : nous n’étions pas assez nombreux et nombreuses samedi 17 mars à Paris.

Ou disons plutôt que cela devrait être une évidence : parce que le projet de loi asile-immigration est un projet de société et pas seulement une loi contre touTEs les étrangerEs. Que cela va avec l’implantation dans tous les cerveaux de l’idée que ce qui devrait être basique devient un privilège. Avoir un logement ? Un privilège. Avoir le droit de circuler ? Un privilège. Avoir les moyens de survivre ? Un privilège. Et qu’alors que les riches se gavent : « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».

Oui, face à ce qui s’installe, progresse, s’insinue autant que passe en force, c’est une évidence : nous n’étions pas assez nombreux et nombreuses à Paris ce 17 mars.

Cette marche est une réussite

Et pourtant cette marche est une réussite.

Nous étions plusieurs milliers, sous un déluge de neige et de froid. Plusieurs milliers, malgré la neige et le froid. Plusieurs milliers du début… jusqu’à la fin. Et ça dit beaucoup. Car cette marche n’a pas été une balade, une formalité pour se donner bonne conscience. Elle a été animée de bout en bout.

Des milliers sont venuEs, de différentes villes et régions, avec des cars de Lyon, Annecy, Grenoble, Rouen, Rennes, des cortèges partis de plusieurs quartiers de Paris et villes de la région parisienne comme Argenteuil, Saint-Ouen, Saint-Denis, Montreuil, Vitry, des familles victimes de violences policières venues de tout le territoire, des collectifs de sans-­papiers, des étudiantEs étrangerEs et occupants de facs et d’immeubles de Nantes, Lyon, Grenoble et Paris manifestant ensemble.

Anecdote ? Lorsqu’un cordon policier a voulu fouiller les sacs d’un cortège venu du 18e arrondissement de Paris, des centaines sont revenus de la place de l’Opéra pour obliger les flics à dégager au bout d’une vingtaine de minutes. Ce qui s’enracine, l’idée qu’il serait normal que la police puisse contrôler des manifestantEs, peut être, doit être déraciné. Et là encore, la solidarité est notre arme. 

Ce qui explique tout cela, les liens créés, la combativité des cortèges, la confiance de nouveaux collectifs de sans-papiers et migrantEs, c’est la manière dont s’est construite cette marche : le boulot d’information, de construction et de mobilisation fait avec de multiples porte-à-porte dans les foyers de travailleurs immigrés, les collages et diffusions de tracts dans les quartiers, les collectes pour financer des cars.

Des graines ont été semées

Il y a du coup deux choses à en tirer.

La première chose c’est que cette marche pourrait bien avoir semé une graine, à la différence de celle de l’an dernier. Dès le lendemain 150 sans-papiers ont investi la basilique de Saint-Denis, renouant ainsi avec un type d’action qui s’était perdu dans les collectifs de sans-papiers ces dernières années. Ils et elles ont certes été expulsés avec une extrême violence par des flics qui, lâchés ainsi sur des sans-papiers s’en sont donnés à cœur joie. Mais cela a donné l’occasion d’une manifestation sauvage dans Saint-Denis jusqu’au commissariat pour obtenir la libération d’un soutien interpellé.

Et cela va nourrir les résolutions d’une coordination nationale des collectifs de solidarité avec les migrantEs qui se tient à Lyon le week-end des 24-25 mars. Les collectifs qui organisaient la marche se sont donné deux objectifs à court terme : mobiliser pour le retrait de la loi asile-immigration et soutenir la marche organisée par la famille d’Angelo Garand à Blois le 31 mars.

La seconde chose, c’est le bilan de toutes ces forces dites « de gauche », qu’elles soient associatives ou politiques, qui ont cherché tous les prétextes pour se dérober à la nécessité de mobiliser contre le racisme, contre les violences policières et en solidarité avec les migrantEs. La neige va fondre. Restera le feu. Qu’on soit migrantE, sans-papier, jeune des quartiers, chibani, cheminotE, infirmierE ou précaire, les forces qui compteront sont celles qui auront construit le combat pour la solidarité inconditionnelle.

Denis Godard