La semaine dernière, les dirigeants européens, réunis pour un sommet d’urgence consacré à la question des migrantEs, ont une nouvelle fois fait preuve d’indigence politique face à la gravité de la situation.
Les ministres de l’Intérieur de l’Union européenne se sont d’abord réunis mardi 22 octobre pour s’accorder sur l’idée de quotas de « réfugiés » à répartir en fonction de chaque pays. Ce choix des quotas n’est pas sans poser de problème, car il ne tient pas compte des réseaux sociaux et familiaux des migrants qui, organisés en diaspora, préfèrent souvent rejoindre des pays où une partie de leur communauté réside déjà. Mais surtout, le chiffre acté par la Commission européenne, 120 000 « réfugiés » sur deux ans,, est loin de répondre à l’urgence et aux capacités d’accueil des pays européens : l’Union européenne avait reçu 600 000 demandeurs d’asile en provenance d’ex-Yougoslavie en 1992...
Forte de ses 550 000 millions d’habitantEs et de son PIB parmi les plus élevés au monde, l’Union européenne refuse de faire face au drame humanitaire qui se déroule à ses frontières et dont elle est en grande partie responsable. Pourtant, même cette mesure a dû être soumise au vote et non à l’approbation par consensus comme c’est le plus fréquemment le cas dans les institutions européennes. La Hongrie, la Roumanie, la République tchèque et la Slovaquie se sont prononcées contre les quotas, des dissensions qui s’étaient déjà traduites par le rétablissement partiel des frontières au sein de l’espace Schengen.
Verrouiller les portes de l’Europe... ou ouvrir les frontières ?
Par contre, dès le lendemain, les chefs de gouvernement de l’UE ont su se mettre d’accord... en augmentant le financement de l’agence Frontex chargée du contrôle des frontières déjà dotée d’un budget annuel de 114 millions d’euros. Une agence qui sera désormais chargée de l’installation et de la gestion des « hot-spot », véritables centres de rétention aux portes de l’Europe, principalement en Italie et en Grèce. Les migrantEs y seront enregistrés, leurs empreintes digitales relevées, afin de faciliter le tri entre « bons » et « mauvais » réfugiés politiques... et surtout en écartant les migrants économiques qui eux devront rapidement être expulsés vers leur pays d’origine.
Face aux drames des migrantEs, l’Union européenne a donc pour seule ambition de renforcer l’Europe forteresse et le « contrôle des flux migratoires ». De plus, elle va débloquer une aide d’un milliard d’euros pour « fixer » les réfugiés près de leur pays d’origine, c’est-à-dire en Jordanie, au Liban et en Turquie, pays qui accueillent déjà à eux trois plusieurs millions de réfugiés1. Or, de telles concentrations de déplacés dans une région si instable peuvent être à leur tour facteur de conflit. D’autant plus qu’avec les frappes françaises en Syrie, le nombre de réfugiés dans les pays limitrophes risque encore d’augmenter.
Face aux flots continus d’hommes, de femmes et d'enfants arrivant chaque jour aux portes de l’Europe, la stratégie européenne se résume à celle de l’endiguement, occultant totalement sa responsabilité dans le chaos du monde. Il paraît pourtant vain de vouloir enrayer le phénomène migratoire : les estimations les plus basses, celles de l’agence Frontex, avancent le chiffre de 500 000 migrantEs arrivés en Europe depuis janvier 2015, soit déjà plus du double que pour l’année 2014. La guerre et la misère ne peuvent que rendre ces chiffres exponentiels. L’ouverture des frontières européennes et la liberté de circulation et d’installation sont bien les seules mesures à même de répondre à cette urgence.
Camille Jouve
- 1. Une aide qui existait auparavant mais qui a été drastiquement diminuée : seul 38 % du budget alloué a été versé aux agences de l’ONU chargées des camps de réfugiéEs pour l’année 2015.