Publié le Mercredi 27 avril 2016 à 12h10.

MigrantEs : « Humanité et Fermeté » sont sur un bateau… Qui doit tomber à l’eau ?

Cela fait bientôt un an que Cazeneuve résume ainsi la politique du gouvernement vis-à-vis des migrants : « humanité et fermeté ». Ce discours, traduit dans des diverses langues européennes, mène à toujours plus de désastres pour les migrantEs comme pour nous touTEs.

Une politique criminelle

Il y a une semaine, 500 migrantEs ont été noyés dans la Méditerranée. Même les alertes lancées par les ONG sur les conséquences dramatiques de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie n’ont pas suffi à empêcher ce crime. Loin de dissuader les migrantEs de venir en Europe, cet accord rend leur périple plus dangereux encore : il y a 300 km de mer à franchir entre la Libye et l’Italie... contre 6 km entre la Turquie et la Grèce. La baisse du nombre d’entrées en Grèce, vantée par les dirigeants européens, a pour contrepartie l’augmentation du nombre d’entrées en Italie.

L’accord stipule que tous les migrantEs arrivés en Grèce par la Turquie depuis le 20 mars doivent être renvoyés dans ce pays. Pour chaque Syrien renvoyé, un autre en provenance d’un camp de réfugié turc sera « réinstallé » dans un pays européen, dans la limite de 72 000 places. Un accord dont un des résultats, dénoncé par Amnesty International, est que la Turquie (qui compte déjà 2,7 millions de Syriens enregistrés dont 300 000 dans des camps) renvoie des dizaines de Syriens dans leur pays.

La fermeture de la « route des Balkans » conduit à un nombre record de migrantEs bloqués en Grèce : dans le camp d’Idomeni (proche de la frontière avec la Macédoine), 11 000 migrantEs sont entassés. Bülent Kilic, envoyé spécial de l’AFP dans ce camp, témoignait le 18 avril de ce qu’il pouvait y observer : « Ce qu’il y a de particulier ici, c’est le désespoir extrême, absolu. Ces gens ont quitté des pays dévastés par la guerre. Ils ont accompli un dangereux voyage, souvent avec leurs enfants sur les épaules. Et les voici maintenant bloqués dans une mare de boue face aux portes fermées de l’Europe, obligés de vivre dans des conditions aussi déplorables que chez eux, sans avoir la moindre idée de ce qui va leur arriver ensuite. (…) Alors ils perdent la raison. Ce n’est pas étonnant. Vous aussi, vous deviendriez fou à leur place. »

Le 10 avril, des centaines de migrantEs se rassemblent pour exiger l’ouverture de la frontière et tentent de forcer les grilles qui les empêchent de passer en Macédoine. 300 d’entre eux finiront blessés par les tirs de lacrymos et balles en caoutchouc de la police macédonienne.

Les morts aux frontières ont un prix

C’est le gouvernement autrichien qui a initié cette fermeture, en organisant fin février une conférence avec les pays des Balkans. En mars, il faisait adopter de nouvelles mesures restreignant le droit d’asile, et début avril, il entamait des travaux pour construire une clôture à sa frontière avec l’Italie. Le contrôle de l’immigration a été le principal thème débattu lors de la campagne pour les élections présidentielles, rendant prévisible l’arrivée en tête du parti d’extrême droite, le FPÖ. Partout où ce thème parvient à s’imposer comme une évidence, l’extrême droite apparaît comme une solution radicale. En Allemagne, c’est l’AfD qui avait réalisé une percée électorale lors des élections régionales en mars, et en France le Front national continue à être en tête des intentions de vote de 2017, malgré les mobilisations actuelles contre la loi travail et les occupations de place qui affaiblissent considérablement le gouvernement.

Ce sont 6 milliards d’euros que l’Union européenne s’est engagée à donner à la Turquie pour garder les migrantEs sur son territoire. La Libye exige la mise en place d’un accord financier similaire. La surveillance des frontières est aussi devenue un véritable gâteau à partager pour les entreprises européennes de l’armement et du renseignement. « On peut négocier sur de l’argent, pas sur nos valeurs », a écrit dans une tribune le président du Conseil européen, Donald Tusk, avant de se rendre le week-end dernier en Turquie. Le contrôle des frontières est devenu un moyen de chantage au sein même de l’Union européenne. En février, Merkel a annoncé qu’elle serait prête à rediscuter de la restructuration de la dette de la Grèce si son gouvernement acceptait la politique européenne de gestion des frontières. Et début mars, Macron a menacé d’ouvrir la frontière en cas de victoire du non au référendum sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne.

Ce sont tous ces plans ignobles qui doivent dorénavant tomber à l’eau : ouverture des frontières, annulation de la dette grecque, démantèlement des institutions européennes, solidarité internationale !

Vanina Giudicelli