270 : c’est le nombre de travailleurs sans-papiers entassés dans un hangar en guise de squat après leur expulsion – sur ordre de la préfecture le 29 octobre 2019 (à 2 jours de la trêve hivernale !) – du centre AFPA où ils avaient trouvé refuge. Ces 270 travailleurs immigrés sont d’anciens résidents du foyer Bara fermé par décision du maire en septembre 2018, pour cause d’insalubrité. Ceux qui étaient en règle ont fini par être relogés provisoirement. Les autres non.
Avec le confinement, tout s’est aggravé d’un coup : la perte du travail et du coup de tout revenu, avec très vite la question lancinante de trouver à manger, et la peur d’être massivement touchés par l’épidémie dès les premiers cas suspects.
Depuis les premières visites médicales qui ont commencé jeudi, on sait presque avec certitude que plusieurs personnes sont touchées (en l’absence de tests, ce sont des suspicions).
Le collectif unitaire de soutien qui existe depuis l’été 2019 a été brutalement ranimé ces derniers jours (la dernière manifestation date de fin février, pour les papiers et pour un logement décent pour tous). Avec deux objectifs : interpeller le maire (Patrick Bessac, PCF, réélu au premier tour) qui ne veut plus entendre parler de ce dossier, même si cette question est en train de lui péter à la figure, et la préfecture bien sûr.
Des courriers ont été faits, un communiqué largement transmis à la presse et aux différents médias (voir ci-dessous).
Les partis de gauche en sont absents, mais pas du fait de notre volonté. Le Parti communiste, EÉLV ou encore Alexis Corbière (député LFI) ne se privent pas de faire des déclarations en direction du gouvernement et de la préfecture, mais ils ne veulent surtout pas se commettre avec un collectif qui n’oublie pas non plus la part de responsabilité de la mairie dans cette affaire et l’invite à prendre elle aussi sa part de responsabilité.
Du côté des occupants du 138 rue de Stalingrad, la tension monte. Après l’Armée du salut, la mairie vient de prendre en charge le ravitaillement en le confiant à une entreprise privée qui semble, au minimum, un peu débordée. On attend toujours que la Région débloque des fonds. Les gens ont faim tout simplement et n’en peuvent plus de vivre dans un lieu aussi inhumain, malgré la solidarité qui s’organise avec les voisins et les habitants.
Ils ont également refusé aujourd’hui la poursuite des visites médicales. Ils y voient à juste titre un piège : le prétexte pour les autorités à des évacuations qui ont commencé pour des petits groupes dans des hôtels dispersés, avec comme objectif manifeste de casser le collectif seul à même de résister et de continuer à défendre les revendications pour le logement et les papiers. Les gens sont sans illusion : la contamination a sans doute déjà gagné tout le monde. Maintenant ce qu’on veut, c’est de pouvoir disposer d’un hébergement digne, humain, pour passer le cap. Mais ensemble.
Le communiqué
5 avril 2020
Communiqué de presse du Collectif unitaire de soutien aux résidents de l’ancien foyer Bara et du Collectif des travailleurs sans-papiers du 138 rue de Stalingrad
Avec le soutien de : Collectif des travailleurs sans-papiers de Vitry (CTSPV), Collectif Montreuil-Rebelle, DAL - Paris et ses environs, CNT STE 93, Lutte ouvrière Montreuil, Nouveau parti anticapitaliste Montreuil, Union communiste libertaire Montreuil.
Monsieur le Préfet de Seine-Saint-Denis, utilisez vos pouvoirs de réquisition.
Il est urgent d’agir pour désamorcer une bombe sanitaire au 138 rue de Stalingrad à Montreuil !
La préfecture de Seine-Saint-Denis a pris la responsabilité le 29 octobre 2019, deux jours avant la trêve hivernale, d’évacuer les occupants du centre AFPA réquisitionné par la maire de Montreuil après la décision de fermeture du foyer Bara pour raisons sanitaires en septembre 2018, en attendant la mise en place d’une solution pérenne.
C’était prendre une responsabilité lourde de conséquence. Les occupants sans-papiers ont trouvé depuis refuge dans un hangar situé au 138 rue de Stalingrad où ils sont entassés à plus de 270 dans des conditions inhumaines de précarité absolue.
Ce que toutes les associations craignaient est en train de se produire : des visites médicales ont commencé jeudi 2 avril. Sur près de 80 personnes examinées, 8 ont présenté les symptômes du Covid-19 et ont été évacuées par les pompiers et le SAMU vendredi ! Les examens doivent se poursuivre lundi mais tout le monde sait déjà que dans cette situation, une bombe sanitaire risque d’exploser à Montreuil.
Sortir les gens par petits groupes une fois qu'ils présentent les symptômes serait évidemment en totale contradiction avec la logique du confinement qui vise à créer de la distanciation et non à multiplier les foyers épidémiques. L’enjeu est bien de protéger l'ensemble des occupants et au-delà la population de Montreuil car à terme, c'est tout le système médical qui devra faire face à une contagion hors contrôle si on se contente d'attendre que les occupants soient touchés les uns après les autres.
La préfecture en accord avec la mairie doit prendre ses responsabilités. Dans l’immédiat, il faut absolument reloger les occupants du 138 rue de Stalingrad durant la période de confinement, dans des conditions sanitaires acceptables. Il est possible d’opérer un transfert collectif comme le demandent les occupants de la rue de Stalingrad.
Le collectif de soutien aux résidents de l'ancien foyer Bara a pu constater samedi que les hôtels Ibis, Formule 1 et Novotel à Porte de Montreuil sont fermés et vides. L'hôtel Ibis dispose de 370 chambres, il n'a pas été réquisitionné pour l'instant. Cette solution existe donc, et elle permet, à une échelle plus large, de répondre à la nécessité de protéger dès aujourd’hui toutes les personnes en situation de précarité extrême et d’éviter une explosion de la pandémie sur le territoire.
En dernier recours, le centre AFPA reste un lieu d’accueil bien plus sécure que la rue de Stalingrad pour respecter les règles de distanciation sociale.
C'est une solution commandée par l'urgence de la situation. Sans attendre, les discussions doivent s’ouvrir pour trouver une solution pérenne à l’issue de la période de confinement, qui s’annonce longue et délicate. Cela inclut la question du logement, mais aussi celle des papiers sans lesquels aucune solution durable ne peut être envisagée.
Il y va de l'intérêt général, Monsieur le Préfet : à l'issue de cette crise qui bouleverse profondément nos vies, il n'y aura pas de reprise possible sans apporter de solution pérenne et éthique aux situations d'urgence posées aujourd'hui.
Dans les médias