Publié le Mercredi 13 décembre 2017 à 18h00.

Nantes : là-bas ils fuient la guerre, ici ils vivent à la rue

Ce sont des jeunes migrantEs venus pour la plupart d’Afrique subsahélienne, que la poésie administrative avait dénommés mineurs isolés étrangers (MIE), désormais mineurs non accompagnés (MNA).

L'hiver arrivant, les militantEs soutenant ces jeunes migrantEs – déboutés du droit d’asile par la préfecture – ont décidé d’occuper l’ancienne école des Beaux-Arts située en plein centre-ville de Nantes. Aucune structure et aucune solution n’avaient été trouvées pour la soixantaine de jeunes à la rue. La réponse de la mairie socialiste fut ferme et rapide à l’issue d’une seule journée d’occupation : le 19 novembre, plus de 120 CRS ont évacué à coups de matraque les occupantEs pacifiques. La disproportion de l’intervention en a surpris plus d’un mais c’était sans compter sur les calculs électoraux des prochaines municipales. Les militantEs ont alors pris la décision d’une occupation pacifique du campus.

Un carrefour plus qu’une occupation

Une occupation sans écueils, dont l’organisation a été le mot d’ordre central. D’abord il fallait loger les jeunes migrantEs, les nourrir, les aider à se reconstruire. Ensuite, il fallait être visibles et rompre l’isolement. Enfin, en les entourant des équipes militantes étudiantes, il était possible de concevoir une protection relative tout en créant une pression sur la présidence d’université.

Une fois aménagées les salles du sous-sol de la Censive, un des bâtiments situé au milieu du campus de sciences humaines, c’est une petite Commune qui a vu le jour. Un garde-manger propre et organisé pouvant nourrir des dizaines de personnes, des salles d’études avec des livres à disposition, sans oublier des commodités adaptées, des espaces de repos et un lieu de vie commun. Une fois la position consolidée, les jeunes sont venus plus nombreux chaque jour. La présidence d’université n’était pas enthousiaste mais ne voulait pas prendre la responsabilité d’une évacuation. Tout en demandant l’évacuation des locaux universitaires, elle a commencé à s’agiter auprès de la mairie et du département, qui est légalement responsable de l’accueil des mineurEs.

La recherche de l’extension 

Le succès de l’occupation a fait venir d’autres migrantEs et l’espace de Censive est vite devenu exigu. Une idée a été portée, celle d’occuper un château – plutôt une maison de maître – située sur le campus. Elle présentait le double avantage d’être une solution aux limites de place et d’avoir une portée symbolique, cette ancienne grande demeure ayant été celle d’un commerçant enrichi par le commerce triangulaire. 

À l’initiative de doctorants en histoire et sociologie notamment, un appel de soutien en direction du milieu universitaire a été lancé. Non sans quelques tensions, l’appel a été largement appuyé par les organisations syndicales, du Sgen-Cfdt à Solidaires en passant par le Snesup. Un appel centré sur le droit à l’éducation et contre l’expulsion. Cela a suffi pour que la présidence fulmine.

Des équipes visitent les cours pour présenter la lutte, avec souvent un bon accueil, malgré parfois l’hostilité de certains professeurs et certaines filières. Qu’importe ! Il faut œuvrer à faire connaître ce combat légitime. On évoque l’idée de parrainages, tout en gardant à l’esprit une défense collective unie. Des professeurs seraient volontaires, des lettres ont été envoyées à des élus municipaux que l’on sait sensibles à ces problèmes. Quelques artistes, comme Dominique A, ont apporté leur soutien.

À ce jour, rien n’est gagné et tout reste à conquérir. Les obstacles juridiques et administratifs sont énormes mais la principale difficulté est politique. Samedi 9 décembre, nous étions 1200 dans la rue à manifester, avec détermination et calme autour de nos frères et sœurs sans-papiers.

Correspondant