Jeudi 25 mai. Paris. Quartier La Chapelle. Le dispositif policier est conséquent. Mais en retrait. Les consignes sont sans doute d’éviter une provocation policière qui enflammerait la colère du quartier chauffé à blanc par les manipulations médiatiques de la candidate des Républicains, Babette de Rozières, et la présidente du Conseil régional Valérie Pécresse.
Alors que 200 personnes ont commencé à se rassembler, trois flics contrôlent pourtant des copines qui collent le texte « Nous femmes du 18e ». La réaction est collective et, derrière la banderole « 18e Zone de Solidarité Populaire », repousse les flics aux cris de « Pour toutes, pour tous, avec ou sans-papiers, La Chapelle Solidarité ! » Le cortège fait le tour de la place où les organisateurs du rassemblement ont prévu des prises de parole. Premier mouvement.
Comme rien ne se passe, à part des interviews par des journalistes, les réseaux du quartier qui se sont réunis la veille relancent le cortège autour de la place. Une banderole commune a été décidée : « Racistes hors du quartier ». Cette fois le cortège bifurque suivi par environ 300 personnes, habitantEs en très grande majorité, dont des migrantEs et même des vendeurs à la sauvette.
C’est parti pour une manif sauvage dans le quartier. Dans la rue Pajol, le cortège, rejoint par des jeunes qui dansent reprend « Ici c’est La Chapelle ! ». La rue, elle est à qui ?
Pour les réseaux du quartier, l’objectif est de refuser de discuter aujourd’hui sur le terrain des « problèmes » miné cyniquement par la manipulation sur le « harcèlement des femmes », tout en ripostant à l’offensive raciste et sécuritaire que cela camoufle à peine. Et d’afficher la nécessité de la solidarité, cette tradition du quartier qui n’exclut pas les merdes engendrées par la logique de ce système, mais qui permet de les combattre.
Chasser les pauvres, faire le bonheur des spéculateurs…
C’est justement cette tradition historique de solidarité qui explique la convergence particulièrement forte de migrantEs et de toutes celles et ceux qui sont dans des logiques de survie. Mais c’est aussi cette tradition que veulent casser la droite comme la « gauche » qui est à la mairie. Pour, au nom de la « mixité sociale », pouvoir chasser les pauvres et faire le bonheur des spéculateurs immobiliers et des grands groupes de « rénovation urbaine ». Pour cela, Valérie Pécresse l’a dit : il faut « nettoyer le quartier ». Les flics sont désormais partout, contrôlent au faciès, passants et voitures, et embarquent pour un rien.
Un article de l’AFP explique que, de la Goutte d’Or au bassin de La Villette, les quartiers voisins sont « aujourd’hui relativement tranquillisés avec brasseries, cinémas, supermarchés bio ». Il s’agit maintenant d’en finir avec La Chapelle. Les distributions de repas aux migrantEs à la rue sont harcelées par les flics. Les foyers de travailleurs immigrés, qui étaient aussi des lieux refuges pour les sans-papiers, sont attaqués.
Ian Brossat, pourtant représentant du PCF... mais aussi adjoint à la maire Anne Hidalgo, affirme : « ce quartier va bouger, c’est le sens de l’histoire ». À l’arrivée, tout sera calme et propre. Comme un quartier mort. Comme un quartier bourgeois...
La manif a débouché sur le boulevard. Elle revient à La Chapelle. Les voitures klaxonnent. Sur les trottoirs, aux fenêtres, ça applaudit. « Pour toutes, pour tous… ». Ce quartier est encore capable de danser. Et de contaminer peut-être ceux d’à côté. L’État, la mairie et les spéculateurs n’ont pas encore gagné.
Denis Godard