Le 31 mars, le procès pour détournement de fonds publics dans le procès des assistants européens du RN a abouti à la condamnation de responsables en vue du Rassemblement national, et notamment à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire pour Marine Le Pen. Le revers d’une victoire remportée contre le clan Le Pen, c’est le déploiement d’un contre-discours populiste : dès l’annonce du jugement, le RN s’est positionné en reconduisant l’opposition entre la « démocratie » et les « juges », un trope caractéristique de l’argumentaire fasciste.
Conscientes de la menace, les forces de gauche se sont rassemblées et se sont efforcées de concurrencer la fallacieuse « défense de la démocratie » à laquelle Marine Le Pen associait son immunité au même moment. Le mouvement comporte des faiblesses : le 6 avril à l’appel du NFP, puis le 12 avril à l’appel des organisations syndicales et associatives, la gauche a su manifester une opposition globalement égale, dans la rue, à la capacité de mobilisation de l’extrême droite. C’est une réussite en demi-teinte. Le deuxième événement, plus confidentiel, manifeste de même les fragilités d’un camp qui manque d’unité, voire tout simplement de lisibilité et de pénétration dans les masses.
Si notre tradition se fait forte de la distinction apportée par Léon Trotski entre bonapartisme et fascisme, comme il l’affirmait1, « il serait impardonnable de tomber [dans l’excès de faire] du bonapartisme et du fascisme deux catégories logiquement incompatibles ». La tactique du RN n’est pas seulement bonapartiste, et n’est pas seulement alignée sur le renforcement autoritaire de l’appareil répressif de l’État et sur la personnalisation du pouvoir, elle est aussi proprement fasciste en attaquant directement les fondements de l’État de droit, en sapant les fondements de l’ordre républicain qu’elle prétend défendre contre les personnes racisées et en appelant pour cela à la mobilisation des fractions de la petite-bourgeoisie et de notre classe contre les fractions racialisées du prolétariat.
De fait, comme le rappelait notre camarade Ugo Palheta, il y a lieu de s’alarmer devant la « possibilité du fascisme » : l’extrême droite jouit de sa continuité avec la droite républicaine d’un Sarkozy qui a pavé le déportement de son électorat vers le RN jusqu’aux alliances objectives à l’Assemblée qui scellent l’union des droites. Ce continuisme est dangereux car en même temps et sans contradiction, l’extrême-droite peut s’appuyer sur une constellation de groupuscules violents, capables d’organiser des attaques contre le mouvement antifasciste ou antiraciste comme le 17 février dernier à Paris avec l’attaque violente de la projection de Z de Costa Gravas.
De même que la participation au NFP aux législatives nous a accordé un répit et nous offre l’espace pour construire de toute urgence des cadres de mobilisation pour aujourd’hui, paré·es à la résistance pour demain.
Avec un sens de la synthèse qui fait sa force, notre camarade Mathilde Millat résume : « Face à la possibilité du fascisme nous devons nous mobiliser largement : il faut construire des cadres de mobilisations unitaires et à la base. Cette lutte doit se mener partout : les batailles féministes, antiracistes, écologistes, pour nos droits et nos libertés publiques. Enfin il n’est pas possible de terminer cette intervention sans parler de la manifestation2 à 15h : le soutien à la lutte du peuple palestinien et la dénonciation du génocide en cours. Les extrêmes droites internationales s’appuient sur cette guerre coloniale pour se développer alors notre combat antifasciste passe nécessairement par la solidarité, avec la Palestine ! »