Publié le Jeudi 29 juillet 2010 à 21h02.

Répression, expulsions... La vieille recette de la diversion

Empêtré dans l’affaire Woerth Bettencourt, Sarkozy essaie de nous diviser avant la bataille pour les retraites, en brandissant l’étendard de l’insécurité. Le 28 juillet devait se tenir une réunion à l’Élysée sur les « problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms ». Sarkozy a précisé que cette réunion « fera le point sur la situation de tous les départements et décidera des expulsions de tous les campements en situation irrégulière ». Et le président a déclaré : « C’est une véritable guerre que nous allons livrer aux trafiquants et aux délinquants ». Cette décision faisait suite aux événements qui se sont déroulés à Saint-Aignan (Loir-et-Cher), où un jeune homme de 22 ans, Luigi, a été tué par la police, provoquant la colère de sa famille et de la communauté gitane à laquelle il appartenait. Quel rapport avec les Roms ? Aucun. Les gitans sont à 95 % français, et dans le cas de Saint-Aignan, ils habitent dans des bâtiments en dur depuis deux générations. Mais en stigmatisant les Roms, Sarko, empêtré dans les affaires Woerth/Bettencourt et souhaitant détourner l’attention de la réforme des retraites, vient de trouver un nouveau bouc émissaire. Alors que sa cote de popularité est au plus bas, il espère ainsi reprendre la main en brandissant l’argument de l’insécurité. Et pour livrer cette guerre, Sarko a une nouvelle arme : les préfets-super-flics. Ainsi, le préfet de l’Isère, après l’affaire de la Villeneuve à Grenoble, a appris incidemment qu’il était remplacé par Éric Le Douaron, qui sera intronisé par Sarko en personne, le 30 juillet. Ses états de service sont parlants : après 30 ans dans la police, il est passé par la police des frontières et la direction centrale de la sécurité publique et est intervenu dans les émeutes de Villiers-le-Bel, après la mort de Moushin et Lakamy tués dans une collision de leur moto avec une voiture de police. On peut être sûr que le département sera soumis à rude épreuve, à l’image de ce qui se passe en Seine-Saint-Denis, où le même Sarkozy a nommé en avril dernier, Christian Lambert, tout droit venu du Raid. Sous couvert d’un homme du rang qui a, petit à petit, grimpé les échelons de gardien de la paix à préfet, le CV de Lambert est particulièrement chargé : en 1979, il conduisait le camion où planquaient les flics qui ont assassiné sans sommation Jacques Mesrine ; dans les années 1980, il traquait les activistes d’Action directe, puis commissaire de la brigade antiterroriste, il a été chargé de créer la Brigade régionale d’enquête et de coordination (Brec), ancêtre des Brigades de recherche et d’intervention (BRI) pour mettre de l’ordre dans la cité du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie ; en 1993, il rencontre Sarkozy, alors maire de Neuilly-sur-Seine, à l’occasion de la prise d’otages d’enfants de maternelle par Érick Schmitt, plus connu sous le nom d’Human Bomb, tué alors qu’il était endormi par des somnifères que la police avait mis dans son café. En 2002, il prend la tête du Raid et procède à l’arrestation d’Yvan Colonna en 2003. En 2005, il est nommé à la direction centrale des CRS pour « gérer » les émeutes qui font suite à l’assassinat de Bouna Traoré (15 ans) et Zyed Benna (17 ans) à Clichy-sous-bois et l’état d’urgence qui est déclaré. Autant dire que la Seine-Saint-Denis n’a qu’à bien se tenir, Lambert y arrive le 20 avril 2010.Après avoir déclaré qu’il chasserait les trafiquants de drogue, cage d’escalier par cage d’escalier, il a surtout entamé la chasse aux Roms. Dans le département, 37 camps sur 59 ont été expulsés, dont celui du Hanul, à Saint-Denis, qui existait depuis dix ans. Mais ce ne sont pas les seules cibles de Lambert. Mardi 20 juillet à 8 heures du matin, les forces de l’ordre débarquaient devant la barre Balzac de la cité des 4 000 à la Courneuve pour déloger un campement du DAL. Les dangereux délinquants auxquels Lambert fait la guerre étaient en fait des familles qui campaient là parce que le même préfet les avait fait expulser, le 8 juillet dernier, des logements qu’elles continuaient d’occuper dans cette tour promise à la destruction. Sans proposition de relogement, les occupants avaient décidé de rester. Roms, gitans, sans-papiers ou tout simplement sans-logis, Sarko lâche ses chiens sur les plus fragiles et les plus précaires. Une manière de nous diviser à la veille de la bataille cruciale contre la réforme des retraites. Et gare à ceux qui essaieraient de contrarier ses plans : lors de l’évacuation du Hanul, 24 militants solidaires des Roms ont été embarqués alors qu’à La Courneuve, les flics ont mis le président du DAL, Jean-Baptiste Eyraud, en garde à vue. L’été risque d’être chaud, rappelons-nous l’église Saint-Bernard évacuée à coups de hache par les forces de l’ordre le 24 août 1996 ou plus récemment le squat de Cachan, le 17 août 2007. Restons prêts à agir.Dominique Angelini