Depuis le 7 octobre, 500 sans-papiers grévistes occupent la Cité de l’immigration, à Paris. Parmi eux, Mohamed Ndiaye, délégué CGT.Depuis quand es-tu dans le mouvement de grève des sans-papiers ? Depuis le 12 octobre 2009. J’ai été élu délégué du piquet de grève à l’agence d’intérim, au 103 rue La Fayette, dans le 10e arrondissement. Depuis le premier jour, nous nous sommes mis dans la bagarre car il le fallait vraiment. Depuis quand avez-vous avez tenu ce piquet ?Nous avons commencé le piquet à Saint-Lazare. Nous avons fait 44 occupations d’agences d’intérim et nous avons été à chaque fois expulsés comme à la Défense, à Orléans, à Compiègne, à Creil. Nous occupions les agences et quelques jours après on nous évacuait, mais à chaque fois, nous allions sur une autre agence. Puis, le 24 juin, on s’est installé à la Bastille car il y avait encore beaucoup de détermination chez tous les grévistes. Que penses-tu des réponses du ministère de l’Immigration aux grévistes au mois de juin et après l’été ?Le 18 juin, leur réponse était « arrêtez la grève, quittez la Bastille, que chacun rentre chez soi, constituez des dossiers pour la régularisation ». Il y avait des choses valables dans l’Addendum des bonnes pratiques et chaque travailleur sans papiers rentrant dans ces critères devait être régularisable. Nous avons donc quitté la Bastille, levé les piquets et repris le travail pour certains. Nous avons commencé à constituer et déposer les dossiers dans les directions départementales du Travail et à la préfecture de Paris. Sur les 1 800 dossiers déposés à Paris, il n’y a, à ce jour, aucune réponse, alors que tous les dossiers ont été montés exactement comme demandé, après avoir attendu un mois pour avoir la liste complète des documents à fournir. Actuellement, ces dossiers sont toujours bloqués à la préfecture. En Seine-Saint-Denis, ils ont commencé à donner quelques autorisation provisoire de séjour et de travail (APS-K) et dans l’Essonne quelques régularisations, Donc, en tout, il n’y a que 58 réponses positives depuis le 18 juin. Quel a été votre réaction face à ce mépris ?Nous avons repris le mouvement car sommes déterminés. Nous avons décidé l’occupation de la Cité de l’immigration. On arrêtera quand on gagnera. Nous nous sommes mis d’accord pour occuper le musée de l’Immigration jusqu’à la réception des récépissés pour tous les grévistes. Le gouvernement n’a pas tenu sa parole, alors que nous avions fait un pas en avant dans les négociations. Sur 6 804 dossiers, il n’y a que 58 régularisations, c’est-à-dire rien du tout. Nous sommes là pour dire au gouvernement que nous pouvons rester là trois mois tous ensemble. Pourquoi avoir choisi ce lieu ?C’est le musée national de l’Histoire de l’immigration, un vrai symbole. Il y avait plusieurs lieux et le choix a été très rapide car nous savions qu’il représente beaucoup.Comment vois-tu le lien entre la lutte des sans-papiers et celle pour les retraites ? Les retraites nous concernent aussi beaucoup, parce que nous sommes des travailleurs et la retraite est un droit pour tous les travailleurs. On travaille, on cotise donc on doit avoir le droit de toucher nos retraites. Cela signifie que s’il y a une lutte sur les retraites, nous sommes en première ligne. Aux dernières manifestations, nous étions là avec nos pancartes. Ce n’est pas qu’une question de solidarité, mais c’est aussi notre lutte. Cela fait un an que nous sommes en grève et nous irons fêter cet anniversaire avec les travailleurs qui se battent pour sauver leurs retraites. Propos recueillis par Antoine Boulangé et Leila Soula.