Scénario et dessin. Éditions Anthropocène Seuil, 100 pages, 15 euros.
Le combat contre la construction de l’aéroport et pour la ZAD (Zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes, a constitué pour nous (et constitue toujours) un enjeu prioritaire. Des essais sont sortis (1) et, il y a quelques semaines, une BD. L’auteur, Alessandro Pignocchi, est anthropologue, spécialiste des Jivaros en Amazonie. Il est publié par une « grande » maison d’édition (Le Seuil). Les combattants de la ZAD seraient-ils les derniers Indiens ? Avant lecture de la BD, la question pouvait se poser mais l’immersion, la participation à la défense « militaire » de la ZAD et à la construction de l’avenir par l’auteur est réelle et attestée par les « Zadistes » eux-mêmes. Alors régalons-nous !
Nature et capitalismeTandis que l’explosion des grenades offensives n’arrête pas le chant du rossignol (authentique), Alessandro Pignocchi, par une ellipse, nous explique pourquoi le concept de « nature » est une création capitaliste, occidentale au premier chef, pour asservir plantes et animaux, et en faire une ressource exploitable ou à détruire selon les besoins du système. On ne peut opposer « nature » et « culture » et surtout ne pas évoquer un « grand tout » comme le font encore certains marxistes. Notre univers intègre des sujets (espèce humaine, animaux, forêts, plantes) en relation permanente et la destruction de l’un précipite la chute de l’autre. À ce titre, Macron et ses forces de désordre devraient être poursuivis pour massacre de l’habitat naturel de la chouette hulotte, mondialement protégée.
Un témoin exemplaireAlessandro nous plonge dans la zone un peu après l’annulation gouvernementale du projet d’aéroport puis avant, pendant et après l’assaut des forces de l’ordre. Avec lui, « nous plongeons dans la zone et en épousons les intensités en plein assaut casqué, les doutes, la détermination, la folie sage » (2) mais il ne s’arrête pas là et, après l’utilisation de la violence militaire destructrice (mais on peut toujours reconstruire), il décrit la violence administrative pour détruire l’idéal d’une zone sans propriétaire où l’intendance collective de la zone remplacerait la notion de compte d’exploitation profitable. L’auteur a su « aquarelliser » la lutte et, si son dessin n’est pas toujours fidèle aux réalités des constructions de la ZAD, il donne à voir, en multipliant les points de vue, une réalité qu’un film ou un essai ne peuvent que suggérer. Tonalité et textures, lumières et mouvements, couleurs et contours s’entrelacent pour mieux permettre à la brume de submerger le nuage des lacrymos.Sylvain Chardon1 – Entre autres Éloge des mauvaises herbes – Ce que nous devons à la ZAD, d’Alain Damasio, qui signe la postface de la BD, ou Saisons, par les zadistes eux-mêmes.2 – Extrait de la postface d’Alain Damasio.