Film français, 1 h 33 min, sorti le 21 octobre 2020.
Parti pour faire un film sur une fermeture d’usine, Éric Guéret a tourné pendant près de deux ans dans une entreprise qui, à ce jour, a réussi à survivre et à sauver les emplois de ceux qui y travaillent : l’aciérie de Saint-Saulve (département du Nord), Ascoval.
Sinistre ballet des repreneurs
L’histoire tourmentée commence en 2016-2017 avec la décision de Vallourec de se débarrasser de l’aciérie qui, pourtant, produit des aciers spéciaux d’excellente qualité. Éric Guéret a tourné dans l’usine avec l’accord de la direction et s’est fait accepter de celles et ceux qui y travaillent. Les meilleurs moments du film sont ceux où apparaissent et parlent les ouvriers, fiers de leur métier, de leur savoir-faire et des produits qu’ils fabriquent.
Le film décrit bien la façon dont une usine et ses salariéEs peuvent, être au fil des mois et des années, ballottés entre les repreneurs au milieu des discours mensongers de représentants des pouvoirs publics. Tout ceci malgré les efforts des ouvriers pour augmenter la productivité, y compris en renonçant à certains avantages acquis. Le film montre aussi à quel point le combat contre la fermeture est épuisant pour les travailleurEs de l’usine qui se demandent de quoi leur lendemain sera fait.
Toutefois, les personnages emblématiques mis en avant dans le film – Xavier Bertrand (le président de région), le directeur de l’entreprise, Olivier le délégué de la CFDT (majoritaire) – constituent un cocktail qui a pu dans ce cas d’espèce jouer un rôle positif mais qui n’est pas transposable ailleurs – de nombreux exemples l’ont montré. On s’étonne de voir Xavier Bertrand, ancien ministre de Sarkozy, tirer à boulets rouges sur la collusion entre la haute-administration et Vallourec. Et il y a lieu de s’interroger sur les motivations de la miraculeuse conversion du ministère de l’Économie (Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher) en faveur de la survie de l’entreprise.
Après que le film a été terminé, le feuilleton des repreneurs a continué jusqu’en août de cette année avec la reprise par l’entreprise britannique Liberty Steel. Et ce n’est peut-être pas fini…. Autant que le récit d’une survie, le film illustre la situation des travailleurEs dans un système capitaliste où ils et elles sont à la merci de repreneurs rapaces.