Le rock, qui est devenu une musique « blanche » à la fin des années 1950, a eu deux pères fondateurs noirs : Chuck Berry et Little Richard.
Le jeune John Lennon admirait surtout Chuck Berry tandis que Paul McCartney était fan de Little Richard. Chuck est mort en mars 2017 et Little Richard, de son vrai nom Richard Wayne Penniman, s’est éteint ce 9 mai 2020 d’un cancer à Nashville (Tennessee) à l’âge de 87 ans. Ce n’est certes pas la fin du rock’n’roll car cette musique, née à la fin des années cinquante, n’a jamais été aussi populaire sous ses multiples variantes. Preuve s’il en faut qu’il s’agit bien d’une musique vivante et actuelle.
La légende de Little Richard
Né à Macon, en Géorgie, Little Richard est issu d’une famille nombreuse. Il est le troisième d’une famille qui comptera 12 enfants. Son père est un dévot qui ne l’encourage pas à pratiquer la musique et voit d’un mauvais œil les penchants homosexuels de son fils. Rejeté par les siens, le petit Richard quitte le domicile familial à l’âge de 13 ans et est recueilli par des voisins moins stricts. Il peut alors commencer son apprentissage musical au sein de plusieurs formations de rhythm’n’blues. En 1950 (il a 18 ans), il rencontre le chanteur Billy Wright dit « le prince du blues » dont il s’inspira beaucoup pour son apparence physique. Le parrainage de Wright lui permet de signer un contrat avec RCA Records en 1951. La légende peut commencer. Il perfectionne sa pratique du piano avec une rythmique marquée par le boogie-woogie. Il créé son propre groupe « The Upsetters » et gagne en réputation scénique car il joue du piano debout, se démène comme un diable, grimpe sur son piano, se déshabille et hurle ses chansons. Un exploit dans la très puritaine et anticommuniste Amérique. Elvis le suivit dans cette voie très rapidement.
La vraie histoire du morceau « Tutti Frutti »
La réputation de Richard est arrivée jusqu’à Los Angeles. En septembre 1955, Speciality Records, qui a déjà recruté Fats Domino, lui propose un enregistrement original. Richard a une chanson toute prête avec Tutti Frutti. Le morceau commence par une suite d’onomatopées « A wop/Bop a loo bop/Alop/Bam bom » mais poursuit avec « Tutti Frutti, good booty/if it don’t fit, don’t force it ». Ce qui peut donner en français « Tutti Frutti, chouette popotin, si ça n’entre pas, ne force pas » et « Tutti Frutti » signifie homosexuel en argot. La parolière du studio changera vite « good booty » en « Aw rooty » et mentionnera une fille (Sue) qui sait y faire. Ce n’est pas très « féministe » mais la morale est sauve. Le succès est immédiat et ravageur. Suivront les hits : Long Tall Sally, Rip it up, Lucille, Good Golly, Miss Molly ou Whole Lotta Shakin’Goin’On. Une école est créée, elle sera tout de suite mixte (noirs/blancs) avec des pointures comme Chuck Berry, Jerry Lee Lewis, Bo Diddley, Carl Perkins et la star des stars Elvis Presley.
L’aura de Little Richard
Après quatre années de succès stratosphériques, Little Richard remet en cause les paillettes et son homosexualité condamnée par l’église. Il se tourne vers la religion, engendrant le désespoir de tous ses fans et se marie même. Il n’enregistre plus que des gospels jusqu’en 1962, année où les Beatles le décident à revenir au rock pour les accompagner en tournée. Ce qu’il fait bien volontiers. Deux ans plus tard, ce seront les Stones qui gagneront son cœur. Il se rend bien compte qu’il faut qu’il reprenne en main sa musique et décide fin 1964 de renforcer son groupe avec un super guitariste : Maurice James (futur Jimi Hendrix). Cela ne durera que six mois car le public se partageait entre la « vieille » idole et la nouvelle. En tout cas Jimi Hendrix était né à la meilleure école qui puisse être. Les admirateurs de Little Richard sont innombrables et de styles très différents : Mick Jagger, Elton John, David Bowie, Jimmy Page (guitariste de Led Zeppelin) et tant d’autres. N’oublions qu’Eddy Mitchell et Johnny Hallyday étaient des admirateurs « made in France » et qu’ils enregistrèrent avec Little Richard le Somethin’Else d’Eddy Cochrane en 2006.Little Richard eut sa statue au Rock and Roll Hall of Fame dès sa création en 1986 à Cleveland.
Pour se laver les oreilles de la Macronie
Liitle Richard n’a pas créé de concept album comme ses premiers célébrissimes admirateurs les Beatles et donc mieux vaut se retourner vers son Greatest Hits1 réenregistré après son retour au rock en 1964. Son meilleur élève reste pour l’éternité Jimi Hendrix. On ne peut que conseiller tous les opus du « Guitar Hero ». La préférence ira cependant à Electric Ladyland2 où Jimi avait jugé bon de s’adjoindre pianiste et organiste comme son maestro Little Richard.