Avec la crise sanitaire, le 3e rapport sur « l’état de la nature dans l’Union européenne », présenté le 19 octobre par la Commission européenne, est passé inaperçu.
Tous les six ans, ces rapports font le point sur l’état de la faune et de la flore dans les pays membres et le bilan de l’application des directives « Habitats » et « Oiseaux ».
Bilan désastreux
Le commissaire européen à l’environnement indique dans la présentation : « Nous sommes en train de perdre le système qui garantit notre survie ».
En effet, 81 % des habitats protégés sont en situation de conservation défavorable, 33 % ont connu une dégradation continue. Seulement 47 % des populations d’oiseaux sont dans un état favorable. Cela veut dire que plus de la moitié des espèces d’oiseaux sont en déclin, et comme ces espèces sont les plus communes, ce sont 90 % des populations d’oiseaux qui diminuent.
Les causes sont connues : l’agriculture (intensification et chimie), l’exploitation forestière, l’exploitation des ressources marines et, pour les oiseaux, s’ajoute la chasse intensive (52 millions d’oiseaux tués par an sur le territoire européen !).
L’objectif d’« enrayer la détérioration de l’état de l’ensemble des espèces et habitats protégés en 2020 » fixé par la commission est donc loin d’être atteint. Le commissaire en conclut : « Cette évaluation fait apparaître la nécessité d’opérer un changement radical si nous voulons avoir une chance réelle de faire en sorte que la biodiversité de l’Europe soit sur la voie du rétablissement d’ici à 2030. »
Rien pour agir sur les causes
Mais comment, si on n’agit pas sur les causes du déclin ? Rien pour diminuer la pression de la chasse en Europe. Au rythme actuel de déclin des oiseaux, on peut quand même se demander si la seule solution ne serait pas de supprimer toute chasse aux oiseaux en Europe. Quant aux objectifs liés à l’agriculture, présents dans la « Stratégie biodiversité » adoptée le 23 octobre par les ministres de l’environnement, ils ne sont pas intégrés au projet de réforme de la PAC (Politique agricole commune)…
Que penser de la révision à la baisse, par l’UE, dans la plus grande opacité, des règles de commercialisation des pesticides en Europe : révision à la baisse sans aucune justification scientifique des critères d’une directive de 2013 (jamais appliquée !) de l’Autorité européenne pour la sécurité alimentaire (EFSA) ?
Que penser aussi de la loi française « Accélération et simplification de l’action publique » discutée en catimini à l’Assemblée nationale en octobre, dont l’article 25 permet de supprimer les enquêtes publiques sur certains dossiers ?
« La voie vers les pandémies »
De même, l’IPBES (plateforme intergouvernementale sur la biodiversité, l’équivalent du GIEC pour le climat), dans son rapport du 29 octobre : « Des pandémies futures vont apparaître plus souvent, se propageront plus rapidement, causeront plus de dommages à l’économie mondiale et tueront plus de personnes que la Covid-19, à moins que l’approche globale de la lutte contre les maladies infectieuses ne soit modifiée ».
L’explication donnée est claire : « Il n’y a pas de grand mystère sur la cause de la pandémie de Covid-19, ou de toute pandémie moderne. Les mêmes activités humaines qui sont à l’origine du changement climatique et de la perte de biodiversité entraînent également des risques sanitaires par leur impact sur notre environnement. L’expansion et l’intensification de l’agriculture, le commerce, la production et la consommation non durables perturbent la nature et augmentent les contacts entre la faune, le bétail, les agents pathogènes et les humains. C’est la voie vers les pandémies. »
Le système capitaliste n’est pas compatible avec l’écologie. À part des objectifs toujours affirmés mais jamais mis en application, voire contredits par d’autres dispositions, les gouvernements européens ont-ils décidé d’agir enfin pour préserver la planète ? Rien n’est moins sûr.