Interview de José Corréa, membre du Grap (groupe organisateur du FST de Porto Alegre 2012).Quel bilan tirez-vous de ce FST ? Je pense que le FST a été un moment important et un succès. Ce n’était pas gagné d’avance, mais on a compté entre 50 000 et 60 000 personnes qui ont participé à 600 activités ayant pour thèmes : le sommet des peuples de Rio+20, la crise capitaliste, la justice sociale et la justice environnementale. Je crois que le premier point très positif a été la construction de la mobilisation vers le contre-sommet de Rio+20. Que va-t-il se passer à Rio ?L’ONU va organiser, 20 ans après la première Conférence sur le climat de Rio, une conférence sur une des stratégies de sortie de crise qu’est l’économie « verte ». L’importance du FST a été de faire la lumière sur ce projet nommé « draft zéro » qui est une avancée sans précédent sur la marchandisation de la nature, totalement inacceptable par tous les mouvements sociaux. La question de la nouvelle gouvernance de cette économie « verte » sera posée aussi à Rio. Par exemple, si les gouvernements européens décident une taxe carbone sur les vols, il faut des institutions pour appliquer cette règle à l’échelle globale. À Rio sera donc décidée une nouvelle forme de régulation du capitalisme qui n’a pas d’autre but que de garantir encore plus de profits sur la base de nouveaux marchés « verts ». Quelle est la démarche du Forum contre cette économie « verte » ?Tout d’abord, nous avons compris que nous devions anticiper le processus parce que les accords entre gouvernements vont vite être bouclés. Maintenant, nous pourrons intervenir dans le processus de négociation pour tenter, en réalité, de bloquer les négociations ou les initiatives qui cherchent à légitimer ou justifier une nouvelle avancée de la marchandisation de la nature. Il faut vraiment bloquer cela, c’est une attaque contre les biens communs qui nécessite une forte réaction de tous les mouvement sociaux de la planète. Pour cela, nous avons articulé différemment ce forum pour qu’il soit réellement une force de proposition.
Quelles propositions sortent de ce forum ?Nous avons mis en place des groupes de travail (biens communs, finance, santé, éducation…) qui ont produit des analyses et propositions, et vont continuer à travailler jusqu’en mai. Nous avons mis en place une commission de systématisation avec Pablo Solon, Genevieve Azam, Edgardo lander et moi-même. Elle agira en discussion avec la coordination générale des mouvements sociaux et du sommet des peuples pour rédiger un contre projet au « draft zero » qui sera proposé à la négociation pendant la conférence des Nations unies de Rio. Nous voulons proposer une vision alternative de société que les mouvements sociaux pourront s’approprier. Nous voulons réellement des bases programmatiques, de nouvelles alternatives au système capitaliste et pour l’union des mouvements sociaux à l’échelle planétaire. Des campagnes concrètes ont-elles été mises en place ?Nous partons de Porto Alegre avec des initiatives importantes : la mise en place d’une campagne internationale contre l’économie « verte » qui sort d’ici bien structurée. Il est arrivé quelque chose de très important, surtout pour l’Amérique latine : une union entre les organisateurs du Forum et les acteurs qui privilégiaient l’Assemblée des mouvements sociaux. Ce rapprochement se fait sur la base d’une évaluation selon laquelle nous entrons dans une nouvelle période historique, qu’il y a de nouveaux acteurs, de nouvelles formes de lutte, de nouvelles questions de société posées. Et nous devons consolider ce processus d’union d’une manière ou d’une autre. Comment se matérialise cette union ?Une concrétisation de cette union se fera pendant la journée de mobilisation mondiale le 5 juin 2012 contre la crise capitaliste et la destruction de l’environnement décidée pendant l’Assemblée des mouvements sociaux du 28 janvier pendant le Forum. Un autre point important, nous avons discuté de ces initiatives, pour que s’y associent les mouvements des IndignéEs européens (Espagne, Grèce), les mouvements « occupy » (USA et Angleterre), des militantEs du Printemps arabe et le mouvement chilien dont nous avions invité des représentants ici à Porto Alegre. Par exemple, Occupy Wall Street va organiser une action dirigée vers l’ONU pendant Rio+20 dans le cadre de leur « Printemps américain » qui commencera le 1er mai 2012. Quel est le calendrier des rendez-vous internationaux ?Première étape, nous faisons un séminaire en mai à Rio pour unifier le travail des groupes thématiques et rédiger un contre « draft zéro ». Puis, nous bâtissons la mobilisation la plus massive possible à l’échelle planétaire pour le 5 juin 2012. À Rio+20, du 18 au 23 juin, pendant le sommet des peuples, nous allons continuer le processus d’union des mouvements sociaux, notamment ceux issus de la crise, et tenter de bloquer la mise en place de l’économie « verte ». Puis en juillet se tiendra le Forum social du Maghreb/Machrek qui aura lieu à Monastir (près de Tunis) du 10 au 14 juillet 2012 avec, nous l’espérons, une dynamique régionale très importante. Le but est d’alimenter programmatiquement et par échange d’expériences les mouvements sociaux à l’échelle planétaire.
Propos recueillis par Julien Terrié