Publié le Lundi 29 février 2016 à 08h28.

Élevage : Accalmie avant une nouvelle tempête ?

On assiste à la répétition du scénario de septembre 2015 : alors que l’échec prévisible des démarches du ministre de l’Agriculture auprès de la Commission européenne avait relancé les mobilisations, la FNSEA a ressorti les gros tracteurs pour les encadrer.

Les « négociateurs responsables », Xavier Beulin en tête, ont rencontré le Premier ministre pour présenter des demandes où la question des prix passait à la trappe, bien après les « règles et les normes » environnementales qui donnent des boutons aux productivistes. Et si le président du syndicat majoritaire n’a pas lancé l’appel au retour au calme que souhaitait le gouvernement, il a appelé « solennellement tout (ses) collègues à faire preuve de mesure ». Et de fait, le nombre et l’ampleur des manifestations a diminué.

Le 17 février, Manuel Valls répondait donc aux revendications par une nouvelle baisse des cotisations sociales qui obérera encore les ressources de la Mutualité sociale agricole et augmentera les transferts depuis le régime général. « Il y a des avancées aujourd’hui, je les salue », s’est exclamé Xavier Beulin. Au moins un qui est content, car cette annonce ne fait pas l’unanimité dans le syndicalisme agricole.

« Toute l’organisation de la production est à revoir »

Comme le souligne le communiqué du Modef, « En décidant de baisser de 7 points les cotisations sociales à tous les agriculteurs, le gouvernement fait un cadeau aux grosses exploitations qui ne sont pas touchées par la crise. Cette mesure généraliste va dans le sens d’une politique de moins-disant social qui accompagne et ne remet pas en cause la course aux bas prix. Cette mesure vient conforter la politique du taux de profits maximum menée par l’agroalimentaire et la grande distribution ». L’année blanche, c’est-à-dire le report d’un an du paiement des cotisations, ne fait que reculer l’échéance.

Même son de cloche du côté de la Confédération Paysanne : certes la trésorerie de certains éleveurs s’en trouvera soulagée, mais « Au lieu de faire le choix de baisses de cotisations en direction des éleveurs victimes de la crise, il offre une ristourne à tous les paysans, y compris ceux qui n’en ont pas besoin ». Et le remède pourrait s’avérer à terme pire que le mal : le syndicat considère que « les cotisations sociales, trop souvent appelées "charges", sont un élément essentiel de la solidarité nationale et contribuent au quotidien des paysans (maladie, retraite, etc.). Cette mesure ne doit pas être l’occasion d’enfoncer un coin dans ce principe essentiel de notre société. Par ailleurs, il est temps d’admettre que la crise est structurelle et que c’est toute l’organisation de la production qui est à revoir».

Même réaction critique de la Coordination Rurale qui souhaite un retour à des mécanismes de régularisation à l’échelle européenne. En revanche, elle reste crispée sur l’exigence d’une TVA sociale.

Rien n’est réglé

Dans son jeu de rôles avec le gouvernement actuel comme avec le précédent, la FNSEA se pose comme représentante du monde agricole dans sa totalité, la vieille fiction de l’unité paysanne qui pourtant se fissure. Dans les faits, comme le soulignent les trois autres syndicats, elle applaudit à une mesure certes de portée générale mais dont les plus gros tireront un maximum de bénéfices. Ce n’est pas nouveau, mais c’est devenu ostensible depuis l’élection en décembre 2010 de Xavier Beulin, gros agriculteur mais surtout dirigeant d’un groupe agro-industriel (Avril) à la tête du syndicat.

Mais aucun des problèmes de fond n’est réglé. La politique agricole commune est en crise, et il n’y a rien à attendre des institutions de l’Europe capitaliste : les incendiaires ne vont pas se transformer en pompiers. Il reste que cette situation de concurrence exacerbée entre les producteurs des différents pays apporte de l’eau au moulin des souverainistes. Il ne peut en aller autrement en l’absence de mobilisations à l’échelle européenne capables d’imposer des prix rémunérateurs dans le cadre de quotas de production.

Gérard Florenson