Publié le Mercredi 31 août 2022 à 19h00.

Été 2022 : la maison brûle !

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ! » La formule est connue, prononcée par Jacques Chirac le 2 septembre 2002 à Johannesburg, lors du IVe sommet de la Terre. Une phrase qui émane de Jean-Paul Deléage, historien des sciences de l’environnement, et 20 ans après revêt une brûlante actualité...

 

Lété 2022 restera-t-il, en France, comme la première démonstration éclatante, à grande échelle, des effets du réchauffement climatique ? La sécheresse, précoce et prolongée, se traduisait, à la date du 25 août, par « 93 départements concernés par une restriction en eau au-delà de la vigilance […] : trois en alerte, 12 en alerte renforcée et 78 en crise »1.

Dérèglements climatiques

Les incendies atteignent des niveaux jamais vus : « 2022 est une année record, avec 256 départs de feux et 50 599 hectares de végétation brûlés depuis janvier dernier »2, contre 15 000 en année moyenne, selon Jean-Louis Pestour, responsable national des incendies à l’Office national des forêts. Cela s’est traduit par d’énormes feux en Gironde, dans la Drôme, dans le sud-est, en Anjou (à deux pas de chez le ministre de la Transition écologique) ou en Bretagne (à la porte de la centrale nucléaire de Brennilis, en voie de démantèlement), qui laisseront autant de stigmates affectant durablement des territoires où la vie sera maintenant plus difficile.

Au-delà des images spectaculaires de grands feux de forêt ou de landes, des cultures ou des élevages sinistrés, les conséquences de la catastrophe sont directement palpables dans la vie quotidienne de millions d’entre nous, que ce soit par les restrictions imposées concernant les usages de l’eau, la tension sur le commerce des fruits et légumes, les augmentations de prix des produits agricoles, déjà concernés par la spéculation et la guerre en Ukraine, ainsi que les dégâts sur la biodiversité qui vont nous impacter durement.

Dérèglements politiques...

L’auteur de la formule citée en introduction affirmait en 2019 qu’il ne l’aurait pas écrite pour Macron. Trois ans plus tard, le président et son gouvernement ont-ils pris la mesure de la situation ? L’évidence s’impose : nos gouvernants organisent la diversion ! L’ineffable Darmanin, emblématique couteau-suisse de ce pouvoir en vacances, a même inventé une solution sécuritaire à l’incendie estival, avec la nouvelle police du feu et la chasse aux incendiaires. Comme Macron qui faisait la « guerre » au virus du Covid-19.

Mais les incendiaires, il faut les chercher à l’Élysée, il faut les chercher à Matignon ! Qui a organisé la pénurie des moyens des sapeurs-pompiers ? Depuis la départementalisation en 1996, le nombre de volontaires a baissé de 20 %, le nombre de centres SDIS est passé de 7 000 à 6 300. Les sapeurs-pompiers réclament des moyens, des avions, du matériel roulant... et ne peuvent que constater que le compte n’y est pas.

Qui a laissé faire la fragilisation de la forêt en France ? À 75 % privées, comme celle de La Teste-de-Buch, très morcelées, les forêts françaises appartiennent à une myriade de propriétaires aux profils et aux intérêts très variés.

Inaction climatique

Au-delà des catastrophes de l’été, la crise climatique s’installe pour durer. Or, qui a été condamné pour inaction climatique par le tribunal administratif de Paris ? « Les objectifs ne sont pas atteints et ça, personne ne le conteste, pas même l’État. Si ces objectifs ne sont pas atteints, c’est parce que l’État n’a pas fait ce qu’il fallait »3.

Qui s’obstine à ne rien changer au modèle agricole productiviste ? Qui veut faire croire que les « méga-bassines », en plus de toutes les vertus que leur trouvent le pouvoir et la FNSEA, seraient un recours contre les incendies ?

Qui refuse encore et toujours d’avancer vers les transports gratuits, de donner la priorité au ferroviaire ? Qui continue de détourner son regard de la prolifération urbaine des véhicules individuels luxueux, lourds et volumineux qui font le miel des actionnaires des firmes automobiles (SUV et autres 4×4) ?

Qui refuse de s’en prendre aux grands groupes pétroliers, dont Total qui, avec le cynisme le plus... total, quelles que soient les conditions climatiques, géopolitiques, sociales, persiste dans la poursuite de l’exploitation des combustibles fossiles avec les profits qui s’y rattachent ?

Droit dans les yeux !

Nous savons qu’ils regardent ailleurs ! Nous voyons bien qu’ils dirigent notre attention vers des leurres. Alors osons les regarder dans les yeux et leur dire : « Assez, ça suffit ! » Quant à nous, nous ne pouvons plus laisser faire. Alors encore une fois, organisons-nous, reprenons le chemin de la rue, avec la conviction que marcher ne suffit pas, mais que ne plus marcher est encore plus insupportable. 2022, et si on renversait la table ?