Publié le Mercredi 2 mars 2016 à 10h31.

La colère est dans le pré

«Le fait que le chef de l’État soit sifflé, hué, honnêtement, je ne suis pas très formaliste, ça ne m’a pas extrêmement gêné. Ce qui m’a plus gêné, c’est qu’il ne prenne pas le temps de s’arrêter vers ces éleveurs qui étaient en grande détresse », a dit Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, au lendemain de l’inauguration du Salon de l’agriculture par Hollande. Il est vrai que celui-ci risque de se souvenir longtemps de sa visite au Salon de l’agriculture samedi dernier : insultes, projectiles, démontage du stand du ministère de l’Agriculture... Et Valls, deux jours plus tard, d’essuyer à son tour une volée de bois vert, avec des « échanges vifs » et « rugueux », pour reprendre les termes de la presse...

Si derrière cette agitation peuvent aussi se cacher les agro-industriels et la FNSEA, le chef de l’État et les représentants du gouvernement n’ont pas volé l’accueil qui leur a été réservé durant ce salon. Car la guerre des prix à laquelle se livre la grande distribution se fait sur le dos des producteurs, en particulier de ceux qui n’ont aucun rapport de forces, c’est-à-dire les plus petits, que ce soit dans le secteur du lait, du cochon ou de la viande bovine. Et dans ce cadre, la politique de ce gouvernement est un couteau sans lame, qui plus est tenu par une main qui ne veut même pas frapper...

Affirmant vouloir « faire pression sur les distributeurs pour une vraie reconnaissance du travail de l’agriculteur », Hollande a annoncé vouloir modifier « avant l’été » la loi de modernisation de l’économie (LME). Adoptée en 2008, cette LME instaure la « liberté » de négociation des prix entre les centrales d’achat des grandes surfaces et leurs fournisseurs... Et après l’annonce tonitruante, Valls tempère : « S’il faut légiférer, […] nous le ferons. Mais moi, j’appelle chacun à assumer ses responsabilités. » Autant dire qu’il ne va pas se passer grand-chose.

De toute façon, le gouvernement ne pourra pas s’en tirer à si bon compte. « C’est une crise structurelle, on est allés au bout du modèle productiviste », dit encore le porte-parole de la Conf’. C’est vrai, et pour changer ça, il faudra marcher sur ce gouvernement, les institutions européennes, et bien entendu l’ensemble du secteur agro-industriel et de la grande distribution qui prospère main dans la main sur la misère paysanne.

Manu Bichindaritz