Le déversement de boues rouges toxiques après la rupture du bassin de rétention d’une usine d’alumine constitue une catastrophe écologique difficile à évaluer. Le gouvernement hongrois vient de nationaliser l’entreprise Mal et de mettre l’un de ses dirigeants en garde à vue. Cette décision intervient après que le 4 octobre dernier un bassin de rétention des eaux usagées de l’usine d’aluminium d’Ajka à l’ouest de Budapest s’est rompu, déversant une marée de boues toxiques sur les sept villages avoisinants et provoquant huit morts et plus de 150 blessés. La rupture de la digue a entraîné une pollution du Danube et la quasi-destruction du village de Kolontar. Dans un premier temps, les rescapés qui ont vu leurs habitations ravagées ont immédiatement commencé le nettoyage, sans protection, alors que ces boues contiennent des éléments corrosifs et toxiques. Mais malheureusement leurs effets ne sont pas immédiats et c’est plusieurs heures plus tard que les brûlures se sont fait sentir. En outre, les substances toxiques risquent de traverser la peau et de provoquer des cancers ou des malformations pour les enfants. La société Mal dont les propriétaires font partie des familles les plus riches du pays, avait proposé aux victimes une indemnisation correspondant à quelque 360 euros par famille ! Le 10 octobre, une nouvelle fissure sur la digue est apparue faisant redouter le déversement de 500 000 mètres cubes supplémentaires de boues rouges. Un millier d’habitants ont été évacués et une digue de près d’un kilomètre de long est en passe d’être achevée pour protéger les habitations encore épargnées. Le procédé de fabrication d’aluminium consiste à séparer l’alumine des autres composants du minerai de bauxite. Cela produit des résidus : minerai de fer, de silice, métaux lourds et soude formant les boues rouges. En Hongrie, une tonne d’alumine engendre entre trois et quatre tonnes de déchets. Il s’agit d’une véritable catastrophe écologique. L’impact sur les terres agricoles de la région se fera sentir pendant des années. Selon le WWF, dans la rivière Marcal, première touchée, tous les poissons sont morts et la vie a disparu. Puis la contamination a atteint le Danube avec des effets qu’il est encore difficile d’évaluer. Le risque que les nappes phréatiques soient touchées par infiltration existe également, mettant en danger les réserves d’eau potable dans la région. Si la boue sèche, un autre danger est à craindre : la formation de nuages de poussières toxiques que les habitants risqueront d’inhaler.Pour le WWF le danger ne s’arrête pas à cette usine car la Hongrie possède plusieurs grands bassins stockant des boues rouges toxiques. En France, une seule usine fabrique de la bauxite. Elle est située à Gardanne (Bouches-du-Rhône). Interrogé par le journal l’Usine nouvelle, le DRH de l’usine a estimé que celle-ci n’était pas dangereuse car la soude est presque entièrement retirée des résidus stockés. Il n’en reste pas moins que 2 millions de mètres cubes de boues rouges sèches sont conservés dans une décharge à un kilomètre de l’usine. Par ailleurs, les résidus à l’état liquide, soit 250 000 tonnes par an, sont rejetés dans la Méditerranée au large de Cassis, à huit kilomètres des côtes, en plein milieu du futur parc national des Calanques. Dominique Angelini
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