Publié le Samedi 21 février 2015 à 15h57.

L’eau : à bon compte ?

Dans son dernier rapport1

  • 1. https://www.ccomptes.fr/…], la Cour des comptes vient d’épingler les agences de l’eau tant pour leur gestion financière que sur la question démocratique. En 2013, elles ont collecté 2,2 milliards d’euros de redevances, et distribué 1,9 milliard d’euros sous forme d’aides.

    Une situation dénoncée depuis des années, notamment par les associations environnementales ainsi que par le NPA. Le changement, c’est pour quand ?

    Bien universel ou marchandise ?La France est un pays phare sur la question de la gestion de l’eau : le précieux bien universel y est considéré comme une marchandise, avec ses deux multinationales Veolia et Ondéo (Suez) et son système de délégation de service publique en partenariat public-privé. Un système parfait pour les capitalistes puisque certaines villes françaises, comme Lyon, n’ont jamais eu de gestion publique de l’eau. La gestion territoriale des ressources est faite par les agences de l’eau, le tout faisant école puisque la France importe ce mode de gestion partout dans le monde, assurant la pérennité d’un système et les profits de ces deux multinationales.Les agences de l’eau, au nombre de six, collectent les fonds, et gèrent subventions, investissements, dépollution, etc. Leur périmètre est déterminé par bassin hydro­graphique, et elles assurent la collecte de leurs propres fonds de fonctionnement sur la facture des usagerEs et en taxant les différentes industries.

    Qui décide pour qui ?Le premier hic, c’est quand on regarde qui est représenté dans ces agences et comment les représentants sont nommés... L’eau devient vite boueuse. Ainsi, les conseils d’administration des agences de l’eau sont composés de trois collèges : usagerEs (40 %), collectivités territoriales (40 %), et l’État (20 %).Les représentantEs des collectivités territoriales sont les seuls à être « élus », même si cela ressemble bien plus à de la cooptation. Concernant les « usagers », le terme est vicieux. En effet les entreprises représentent le plus gros et les consommateurs-usagers une faible partie... choisie par l’agence elle-même parmi différentes associations. Aucun doute donc que si vous militez pour la municipalisation de l’eau, vous aurez bien du mal à vous y faire nommer... Les entreprises – si possible polluantes – sont toujours plus représentées que les usagers lambda : ainsi 64 % d’entreprises parmi le collège « usagers » de Seine-Normandie par exemple.

    Pollueurs décideurs et non payeursLe principe pollueurs-payeurs est censé être la politique en matière d’eau depuis le début des années 2000. Le rapport de la Cour des comptes, chiffres à l’appui, prouve qu’il n’en est rien. Pire, ça se dégrade : les pollueurs payent de moins en moins. Surreprésentés dans les conseils d’administration, les lobbys agricoles et industriels ne chôment pas. Les taxes prélevées auprès de ces entreprises sont en très forte diminution alors que les usagers domestiques supportent eux 87 % du financement. Des prélèvements qui ont augmenté pour ces derniers tandis que la facture des industriels s’est, elle, allégée parfois grandement.Ainsi, entre 2007 et 2012, les taxes prélevées auprès des industriels sont passées de 22 % du montant global à 13 % tandis que la part supportée par les usagers augmentait de 6 points pour le bassin Rhin-Meuse. Tous les bassins ont suivi la même logique : faire payer moins ceux qui pourtant polluent plus, basculant la différence sur le dos des usagers qui subissent par ailleurs les dégâts de cette pollution.

    Les cas d’eau...Non contentes de payer moins, les entreprises s’octroient en plus quelques petits cadeaux. Eurodisney, après avoir profité à son installation des investissements à charge de l’agence pour augmenter les capacités de traitement des eaux usées, décide de construire sa propre station d’épuration. Évidemment, l’agence est aussi là pour lui octroyer aides et prêts (13,5 millions d’euros sans intérêt...). L’usine Rio Tinto à Gardanne a pu bénéficier aussi de gros allègement des taxes, pourtant dues, suite au rejet d’eaux polluées dans la mer. La redevance due par l’entreprise devrait ainsi passer, en 2014, de 13 millions d’euros... à environ 2,5 millions d’euros.Les exemples publiés dans le rapport ne sont que la partie immergé de l’iceberg, mais les grandes lignes qui s’en dégagent sont bien les mêmes que l’ensemble de la politique menée par le gouvernement : sur le dos des salariéEs, moins de taxes pour les entreprises et toujours plus dans leur poche !

    Thibault Blondin