Publié le Dimanche 21 juin 2009 à 15h46.

Les rapports Nord-Sud à la lumière des changements climatiques

Ce sont les victimes de la fracture sociale qui payent en premier lieu la facture écologique. Cette formule prend plus que jamais tout son sens en matière de dérèglements climatiques lorsqu'on examine les rapports entre pays du Nord et du Sud. Dégradations environnementales et politiques climatiques révèlent le plus souvent des rapports  fondés sur l’inégalité et la domination.

Connaissez-vous Tuvalu ? Petit Etat polynésien peuplé d'un peu plus de 11 000 habitants, et dont la particularité est d'avoir son  point culminant à 4,5 mètres d'altitude. Autre particularité : il risque de devenir le premier pays à disparaître à cause des changements climatiques et l’accélération de la fréquence des inondations. Le sort destiné aux futurs réfugiés climatiques de Tuvalu par les Etats forts de l'Océanie illustre la nature de domination et l'absence de solidarité des rapports entre Etats, y compris dans le traitement des problèmes dont les pays du Nord sont en majeure partie responsables, et dont les populations du Sud font les frais : l'Australie a refusé par avance un statut de réfugié collectif aux habitants de Tuvalu, quant à la Nouvelle-Zélande, elle accepte un nombre très réduit de personnes si celles-ci ont entre 18 et 45 ans, disposent d'une offre d'emploi acceptable (salarié à plein temps, contrat signé avant l’arrivée sur le territoire…), savent parler anglais, ont un revenu suffisant, sont en bonne santé...

Loin de toute idée de justice globale, la gestion des dérèglements climatiques est le lieu d'âpres négociations, et constitue aussi une source de profits et d'extension de la sphère marchande à des domaines encore ignorés par elle. Avant de rentrer dans le détail de la façon dont les uns et les autres réagissent aux changements climatiques, il est nécessaire de rappeler certains faits qui démontrent les inégalités en la matière, tant concernant les causes (les émissions de gaz à effet de serre) que les conséquences des dérèglements.

Depuis 1750, la concentration atmosphérique en CO2 a augmenté de 31 %, celle du méthane de 150 %. Si des changements climatiques ont déjà eu lieu auparavant, celui en cours est le premier qui prend une telle ampleur et se développe à une telle vitesse ; et c’est le premier qu’on puisse imputer à l’activité humaine (1). L’utilisation massive des combustibles fossiles (charbon puis gaz et pétrole) et le changement d’affectation des sols (déforestation, surexploitation…) sont les principales causes de ces changements.

Le CO2 émis reste dans l'atmosphère entre 100 et 150 ans ; or les trois quarts de CO2 en excès contenus dans l'atmosphère proviennent historiquement des pays riches. Mais l’augmentation de l'effet de serre et le réchauffement climatique sont des phénomènes globaux qui touchent tous les points du globe. Les pays les plus fortement émetteurs de CO2 proportionnellement à leurs populations sont aussi ceux où les habitants se sont le plus affranchis d'un rapport direct à la nature et où les incidences sur les écosystèmes frappent moins directement les êtres humains. Cela ne signifie pas que les populations les plus aisées puissent échapper éternellement aux conséquences des changements climatiques, mais celles-ci se font moins sentir largement dans la vie quotidienne ; mais, en cas de catastrophes, comme les canicules ou l’ouragan Katrina, ce sont d’abord les plus pauvres qui subissent les conséquences les plus tragiques, et habiter un pays riche n’y change pas grand’chose. Quant aux pauvres du Sud, la grande majorité de l'humanité,  les impacts des changements climatiques sont pour eux plus directs et plus fréquents. Le GIEC (2) et de nombreux scientifiques ont évalué ces impacts pour les domaines suivants (3) :

  • modification des écosystèmes : les migrations et les habitats de nombreuses espèces risquent de changer, pouvant provoquer la disparition de certaines d'entre elles. Quant aux systèmes naturels, tels que les récifs coralliens ou les mangroves, leur dégradation fragilise les zones côtières face aux ouragans. Si cela concerne aussi les pays développés, la Louisiane par exemple, c’est souvent dans les pays pauvres que les populations se densifient près des côtes et le long des fleuves.

  • alimentation : si une augmentation légère (inférieure à 2°C) de la température moyenne peut favoriser une hausse de la productivité agricole dans des régions aujourd'hui froides ou moyennement tempérées, une telle augmentation aurait des conséquences catastrophiques, en accroissant le stress hydrique et thermique, dans de nombreuses régions tropicales ou subtropicales, là où les populations dépendent directement de leurs cultures pour leur subsistance, et là où elles ont le moins de moyens de s'adapter à de grands changements ; d'où une estimation  du GIEC selon  laquelle entre 50 et 80 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de malnutrition à l'horizon 2080 à cause des changements climatiques ;

  • eau : les précipitations et l'évaporation risquent d'être affectées par les changements climatiques, provoquant ici des sécheresses, là des inondations. Ainsi, le stress hydrique pourrait diminuer en Chine et en Asie du sud-est et augmenter au Moyen-orient, dans les régions Méditerranéennes, au sud de l'Afrique, dans une partie de l'Europe et en Amérique Latine. Rappelons qu'actuellement 1,3 milliards de personnes n'ont pas accès à une eau saine ;

  • santé : les effets conjugués d'une diminution des ressources en eau et de la productivité agricole peuvent conduire à une augmentation des maladies, sans compter les effets de vagues de chaleur imprévue ou l’extension de l’habitat d’insectes vecteurs de maladies ;

  • les migrations : si le problème des réfugiés climatiques est souvent peu traité par nombre d'experts, ceux consultés par le Pentagone songent fortement à se protéger d'éventuelles vagues migratoires liées aux changements climatiques : « Les Etats-Unis et l'Australie seront enclins à bâtir des forteresses défensives autour de leur pays parce qu'ils ont les ressources et les réserves pour assurer leur autosuffisance [...] Les frontières seront renforcées dans l'ensemble du pays pour tenir à l'écart les immigrants indésirables » (4).

Les débats au sein des institutions internationales reflètent cependant d'autres préoccupations que les craintes d'invasions affichées par le pentagone. La convention cadre sur le climat signée à la conférence de Rio en 1992 reconnaît des responsabilités  communes mais différenciées aux pays développés et à ceux en développement. De même, lors de l'élaboration du protocole de Kyoto, la réduction chiffrée des gaz à effet de serre (GES) a été dévolue aux seuls pays développés, ainsi qu'aux pays d'Europe de l'est, ce qui constitue un des aspects positifs de ce protocole, mais seulement pour la période 2008-2012. Les débats autour de Kyoto font état de différences de point de vue, qui ont été en partie tranchées par le protocole : doit-on viser une diminution drastique des GES ou tabler aussi sur la reforestation à même de capter le carbone (phénomène dit des puits de carbone) ? Quels mécanismes de contrôle et de régulation des émissions de GES doit-on mettre en place ? Doit-on créer une instance internationale qui ait un pouvoir coercitif face aux puissances récalcitrantes ou resquilleuses ? Comment impliquer les populations, aussi bien au Sud qu'au Nord ? En gros, les réponses sont les suivantes : la diminution obligatoire d’émissions de GES des pays développés est très réduite ; cette réduction est encore limitée par le recours aux mécanismes flexibles et la promotion de l’absorption et du stockage de carbone (procédés scientifiquement contestables) à égalité avec la réduction d’émissions (5) ; la non-ratification par les Etats-Unis enlève toute portée à un tel protocole. 

Ces questions –et ces réponses- sont essentielles quant à la nature des choix qui sont faits en matière énergétique. On doit cependant préciser, quand on évoque les rapports Nord/Sud les variations de situations et de positions qui existent selon les pays; parce que les intérêts ne sont pas les mêmes selon les Etats, mais aussi parce qu'on n'a pas à faire à deux blocs homogènes, avec simplement un Nord industriel et gros émetteur de GES et un Sud uniquement victime des pollutions. Les pays du Sud connaissent en effet des niveaux de développement très différents et mettent en place des politiques climatiques variées. 

Parmi les pays en développement, les trois plus gros émetteurs de gaz à effet de serre sont la Chine, l'Inde et le Brésil. Il s'agit là de pays en pleine mutation, qui constituent des puissances économiques très importantes à l'échelle mondiale, et qui provoquent des peurs concernant l'effet de serre (quelle catastrophe si tous les Chinois avaient une voiture...). Mais ils se différencient les uns des autres tant du point de vue de la nature des émissions que des solutions préconisées. Contrairement aux pays développés, l'origine des émissions de GES du Brésil (5) ne provient pas en majorité des transports ou de l'énergie (17 % pour ce dernier secteur) mais plutôt de l'agriculture, de la sylviculture et de l'utilisation des sols (entre 70 et 80 %). La déforestation de l'Amazonie (26 000 km² par an) libère des gaz à effet de serre à cause des brûlis et de la libération du carbone prisonnier dans le sol, en même temps qu'elle réduit la capacité d'absorption de la forêt. Les émissions du secteur agricole correspondent à 1,5 fois celles du secteur énergétique. Divers programmes lancés par les gouvernements avant tout pour assurer l’indépendance énergétique ont permis de limiter les émissions : le plan éthanol, lancé en 1975, vise à utiliser comme source énergétique la canne à sucre qui a permis une économie de 5,86 mégatonnes de carbone par an entre 1980 et 1990. Le programme de diminution des pertes énergétiques (1,2 million de tonnes de GES non émises en 1997), le développement des énergies renouvelables (biomasse, hydroélectricité, éolien), l'utilisation de charbon de bois pour l'industrie, la production programmée de biodiesel viennent compléter ce plan éthanol. Cependant si rien n'est fait en matière agricole, en particulier dans la lutte contre la déforestation, c'est que lors des négociations internationales, le Brésil défend l'idée que la responsabilité dans la hausse actuelle de la température tient aux émissions de GES passées, donc à celles des pays riches, et que le Brésil ne peut se fixer des objectifs de réduction avant cinquante ans. Cela est certes vrai, mais il n’empêche que définir un autre modèle de développement agricole devient nécessaire et urgent, notamment pour stopper la déforestation intensive qui sert, entre autres, à la culture du soja transgénique (6).

La récente industrialisation de la Chine, outre qu'elle la rend dépendante énergétiquement, en fait le second pays émetteur de GES, responsables d'un septième des émissions mondiales, pour un cinquième de la population planétaire. 70  % de ces émissions proviennent de l'industrie. Cette rapide expansion conduit à ce que les prévisions de consommation énergétique pour 2010 soient atteintes dès 2004. Tout comme le Brésil, la Chine, au nom de son niveau actuel de développement, n'entend pas réduire ses émissions de GES, comme l'y autorise le protocole de Kyoto. Cependant, conscients des dangers qui pèsent sur leur pays, les dirigeants chinois ont intégré la question climatique dans les commissions de planification et cherchent à développer les sources énergétiques, incitant financièrement l'éolien, le solaire et la biomasse, construisant de grands barrages, aux conséquences souvent néfastes pour les populations, sans compter les centrales nucléaires, la Chine faisant en effet partie des premiers acheteurs du réacteur EPR. Par ailleurs, le plan quinquennal 2006-2010 prévoit d'économiser 240 millions de tonnes équivalent charbon (7).

On retrouve en Inde une situation similaire où l'on prévoit que les émissions de GES vont tripler d'ici 2050 et que les catastrophes risquent de se multiplier : déjà, les évolutions de température expliquent les chutes de production agricole ; mais c'est surtout la fonte des calottes glacières du Tibet qui risquent de bouleverser le niveau des eaux indiennes (et chinoises), et  de  provoquer des inondations. Les gouvernements indiens refusent aussi de s'engager sur des objectifs chiffrés de réductions de GES, prétextant de la lutte contre la pauvreté qui nécessite un développement important de l'économie. Par contre, ils s'engagent dans des projets dits MDP (Mécanismes de Développement Propre) en se lançant par exemple dans une arboriculture intensive afin de constituer des puits de carbone, ce qui ne peut permettre qu'une atténuation provisoire du problème et pose d'autres problèmes environnementaux (utilisation d'herbicides polluants, modification des écosystèmes...).

Si chacun de ces trois pays possède ses spécificités -en particulier le Brésil qui agit pour une action du G77 contre les changements climatiques et a mis en place le Forum Brésilien des Changements Climatiques-, tous s'accordent pour ne pas déroger au modèle de développement capitalo-industriel. Or, sans contester le droit des pays du Sud à atteindre un certain niveau de développement (notion qui reste à préciser), peut-on imaginer que le mode de développement prôné aujourd'hui peut à la fois réduire les inégalités sociales et empêcher les catastrophes environnementales ? Autrement dit, faut-il attendre que ces puissances aient atteint un niveau de développement, et de pollutions, comparables aux Etats occidentaux pour qu'elles réduisent leurs émissions de GES, ou est-ce qu'un autre développement est envisageable, qui nécessiterait de rompre avec le système dominant ?

Ces questions se posent différemment pour les pays plus pauvres, en particulier ceux du continent Africain. Effectivement, évoquer les perspectives de développement à propos de la plupart des pays africains est  indécent tant ces pays sont maintenus dans le non-développement ; 33 pays sur les 49 moins développés se trouvent sur ce continent. Une des conséquences de cette situation est la dépendance forte des populations vis-à-vis des ressources naturelles. Les risques liés aux changements climatiques sont d'autant plus grands. Le réchauffement du continent a été d'environ 0,05 °C tous les dix ans au cours du XXème siècle, les précipitations ont diminué et l'intensité des saisons sèches a augmenté. Les projections pour le XXIème siècle indiquent que les hausses de température seront plus fortes en Afrique que sur les autres continents, ce qui pourrait conduire à une baisse des précipitations entre 10 et 60 % en Afrique du Nord et en Afrique australe, et une augmentation en Afrique de l'Ouest et de l'Est. Si une stabilisation est encore envisageable, l'augmentation moyenne de température devrait se poursuivre et osciller entre 0,5 °C et 2 °C  pendant que les précipitations baisseront de 10%. D'où la probabilité accrue de phénomènes climatiques dévastateurs (sécheresses, ouragans...). Si ces projections sont inquiétantes, les problèmes graves sont déjà là ; dans son article (8), Anthony Nyong décrit la corrélation entre les changements climatiques et les  catastrophes en cours quant aux ressources en eau, à l'agriculture, la pêche, l'alimentation, la santé, les écosystèmes, et dresse un tableau plus qu'inquiétant de l'avenir proche de l'Afrique. 

Le tableau de ces situations variées conduit à interroger d'une part comment sont pensés les rapports Nord-Sud en matière climatique et d'autre part à questionner les liens entre développement des pays pauvres et maintien des équilibres climatiques. L'insertion des pays en développement dans le marché mondial se faisant sous la coupe des institutions financières internationales, on voit bien que leur mode de développement risque de reproduire peu ou prou celui des pays riches, à savoir un développement basé sur les énergies fossiles, les industries polluantes et l'agriculture intensive. Quant aux mesures sur le climat, ce sont essentiellement les mécanismes de développement propre (MDP) issus de protocole de Kyoto qui fixent les rapports entre pays du Nord et du Sud, permettant aux premiers de ne pas diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre en faisant des investissements dans les seconds pour promouvoir des projets qui visent à réduire les émissions. D'où notamment l'implantation massive d'arbres, agissant comme puits de carbone, souvent faite en dépit du bon sens, provoquant exode rural et dégradation des écosystèmes, et dont l'apport reste limité dans la réduction des émissions (9). En réalité, plus qu'une mesure écologique, les MDP sont une formidable opportunité commerciale pour certaines entreprises du Nord. On franchit là un pas dans l'exploitation de la nature par le capitalisme. En effet si classiquement la nature pouvait être utilisée comme matière première nécessaire à toute production, elle devient peu à peu un type particulier de capital, une ressource qu'il s'agit de faire fructifier, comme l'ont bien compris les organisations conservationnistes qui pillent la biodiversité et les savoirs liés à cette biodiversité (10), notamment grâce aux accords sur les droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC) mis en place par l'OMC.

Le protocole de Kyoto apparaît pour beaucoup comme un pas en avant dans la résolution de ces problèmes ; et sa non-acceptation par les Etats-Unis lui donne un vernis anti-libéral. C'est là ne pas voir ses limites en termes de résultats escomptés, ses effets pervers quant aux projets qu'il promeut, et la logique libérale de ses principales mesures qui dessaisit les peuples des décisions nécessaires tout en permettant aux entreprises situées sur ce nouveau créneau de l'environnement de faire fructifier leurs profits. Kyoto ne peut donc s'en prendre à la racine du problème, à savoir l'usage massif d'énergies fossiles qui forment le soubassement du système productif depuis plus de 150 ans. De plus, alors que Kyoto distinguait pays développés et en développement et faisait des mécanismes flexibles un complément à la nécessaire réduction des GES, on peut craindre des négociations en cours et à venir qu’elles fassent de ces mécanismes l’alpha et l’oméga de la lutte contre les changements climatiques, et qu’elles soumettent les pays en voie de développement à des contraintes semblables à celles des pays industrialisés. Face à cela, des mouvements populaires réunis à Durban en 2004 ont rendu public l'appel « La justice climatique maintenant ! » (11), dans lequel les bases nécessaires pour un changement profond, et à hauteur des enjeux, sont posées : dénonciation d'un marché du carbone, des dépotoirs de carbone bon marché dans les pays du Sud, du refus d'éliminer progressivement les énergies fossiles ; analyse des rapports entre la crise climatique/énergétique et les conflits militaires de plus en plus nombreux, de l'hypocrisie des institutions internationales et de la logique perverse du marché... Cet appel se conclut ainsi : «  Etablir le prix du carbone ne sera pas plus efficace, plus démocratique ou favorable au bien-être humain que de donner un prix aux gênes, aux forêts, à la biodiversité ou aux rivières propres. Nous réaffirmons que des réductions drastiques des émissions issues de l'utilisation d'énergie fossile sont un pré-requis si nous voulons prévenir la crise climatique. Nous affirmons notre responsabilité envers les générations futures, à chercher des solutions réelles qui soient viables et véritablement durables, et qui ne sacrifient pas les communautés marginalisées. Nous nous engageons donc à appuyer la construction d'un mouvement mondial de base pour une justice climatique, à mobiliser les communautés du monde, et nous déclarer solidaires de ceux qui s'opposent au commerce du carbone sur le terrain ».  Pour prolonger ces principes, on peut en appeler à la notion de dette écologique : le caractère passé et présent de cette dette est bien illustré par les émissions de carbone : ce sont les émissions passées des pays riches qui, fixées dans l'atmosphère, provoquent le réchauffement climatique présent, et ce sont les émissions actuelles qui font peser sur les pays du Sud de lourdes menaces. Afin de réparer une telle injustice, et en se basant sur le principe selon lequel  chacun a droit à la même quantité d'émissions de GES sans que cela ne nuise à l'environnement, les associations qui luttent pour la reconnaissance de la dette écologique proposent de calculer cette quantité d'émissions possibles et de mettre à l'amende tous ceux qui la dépasseraient (12). Ce calcul met en lumière d'une part l'iniquité de la dette financière des pays du Sud comparée à la dette écologique, et d'autre part illustre l'ampleur des inégalités et des efforts à réaliser pour parvenir à une justice climatique. On voit à quel point les solutions à apporter aux dérèglements climatiques nécessitent de renverser la logique dominante tant ces solutions s'attaquent aux types de production et de transports, aux modes énergétiques et aux rapports de domination entre Etats ; bref, aux soubassements du capitalisme.

Vincent Gay  (2006).

  1. Voir Hendrick Davi, « Les changements climatiques : données scientifiques et analyse des politiques réformistes », Critique Communiste n° 177, octobre 2005. Par ailleurs, une étude rendue publique en septembre 2006 par l'académie américaine nationale des sciences montre que la température actuelle est la plus haute depuis 12000 ans, et qu'elle est juste inférieure d'1 °C de la température la plus haute enregistrée depuis un million d'années.

  2. Le GIEC est une organisation créée en 1988 sous l'égide des Nations Unies chargée d'évaluer l'état des connaissances scientifiques en matière de changements climatiques

  3. Jean-Pascal van Ypersele, « L'injustice fondamentale des changements climatiques », in Alternatives Sud, Changements climatiques : impasses et perspectives, Ed. Syllepse, 2006

  4. Rapport secret du Pentagone sur le changement climatique, Ed. Allia, 2006 et pour une analyse du rapport : Daniel Tanuro, « Armaggedon climatique au Pentagone », www.essf.org

  5. Voir Daniel Tanuro « Protocole de Kyoto : petit pas compromis, effet pervers garantis », Inprecor n° 491, avril 2004

  6. Emilio Lèbre La Rovere et André Santos Pereira, « Paradoxes du Brésil face aux changements climatiques », in Changements climatiques : impasses et perspectives, op. cit.

  7. Arnaud Apoteker, « Brésil transgénique ? », Ecorev n° 20, juillet 2005

  8. Pan Jiahua, « Chine : responsable et victime des changements climatiques », in Changements climatiques : impasses et perspectives, op. cit.

  9. Anthony Nyong, « Effets des changements climatiques dans les tropiques : le cas de l'Afrique », in Changements climatiques : impasses et perspectives, op. Cit.

  10. Voir Daniel Tanuro, « Quand les arbres sèment la désolation », Inprecor n° 491, avril 2004

  11. Voir l'entretien avec Anna Valdez, « Derrière le vernis environnementaliste, le pillage des ressources naturelles », Critique Communiste n° 177, octobre 2005.

  12. Voir www.sinkswatch.org

  13. CADTM France et Collectif de diffusion de la dette écologique, La dette écologique : qui doit à qui ?, Ed. du CADTM, 2003