Publié le Mardi 19 janvier 2021 à 14h29.

L’usine des 1000 vaches, c'est fini !

Dans la Somme, en 2011, un magnat du BTP lançait le projet d'une usine pour produire du lait et du biogaz, avec 1000 vaches en stabulation : lait pour la vente et lisiers pour le méthaniseur. Mais, l'exploitant, fils du promoteur Michel Ramery décédé en 2016, a rencontré une forte opposition de l'association de riverainEs Novissen (Nos villages se soucient de leur environnement), plus de 3000 adhérentEs, de la Confédération paysanne, de partis dont le NPA. L’arrêt du projet, annoncé en décembre, est une victoire !

 

Dans une usine à bétail, le rythme intense imposé aux vaches laitières raccourcit leur espérance de vie productive. Elles sont généralement abattues après leur troisième lactation. Or, une vache laitière peut vivre 20 ans. Bafouant le bien-être animal, ces usines sont des univers concentrationnaires où les bêtes entassées, bourrées de chimie ne voient ni le jour ni un brin d'herbe. Elles ne sont que des parts de marchés et des mini-centrales à gaz. Sans compter que les concentrations d'animaux favorisent l'émergence de nouveaux pathogènes : virus, bactéries résistantes…

 

Des nuages (de lait) dans la Somme

La crise de surproduction du lait et la fin des quotas ont rendu difficile l'écoulement de la production. Les 880 vaches dopées de Ramery produisaient à plein régime. Vendre le lait était d'autant plus compliqué que l'entreprise belge qui collectait le lait s'était recentrée sur la Belgique. De plus, la préfecture avait limité à 500 vaches, en raison du manque de surface réglementaire pour l'épandage des effluents. L'industriel qui passa outre fut condamné à des astreintes de 780 euros/jour et une amende de 7800 euros. Avec la limitation à 500 vaches, l'entrepreneur n'a pu se rabattre sur la deuxième activité pour faire son beurre, produire du biogaz.

L’aboutissement mortifère de lagriculture industrielle

Plus que jamais la ferme devient une exploitation, le paysan un entrepreneur, les bêtes des matières premières.

Le but exclusif est d'engranger les profits. Produire du lait n’est pas le but. Si le bétail malmené et les ouvrierEs agricoles exploités ne sont pas assez rentables il faut diversifier. Quoi de plus tentant que d'enfourcher le dada de l'énergie verte, sans se soucier du comment, du pour quoi faire, pourvu que ça rapporte ?

Mais la méthanisation industrielle continue

Peinant à vivre dignement de leur travail, des paysanEs vendent leurs terres pour implanter des méthaniseurs pour s'assurer un complément de revenu. De Le Maire à Le Foll, de Guillaume à Travers, tous ont vanté la filière de la méthanisation sans se préoccuper des conditions annexes : camions en plus, cultures de céréales, digestat (résidu du processus) difficile à refourguer vu la concentration d'éléments pathogènes nocifs (antibiotiques…).

Seules les grosses exploitations peuvent faire ces lourds investissements, capter les subventions de l’État et un prix du kWh à la revente garanti jusqu'en 2021.

Avec l'essor des agrocarburants, les industriels ont flairé le filon, tout en prétendant participer à « l'économie circulaire », nouveau sésame du capitalisme vert. Valoriser les déchets de la ferme et de la collectivité est pertinent, mais cette économie du bon sens est pervertie quand le recyclage à petite échelle est récupéré par des industriels : ils surdimensionnent les méthaniseurs qui nécessitent les déchets de plusieurs fermes, un rajout de déchets ménagers des collectivités, de boues des stations d'épuration et — comble de l'absurdité du système — de céréales appelées « cultures intermédiaires à vocation énergétique », les CIVE. Un méthaniseur ne peut fonctionner uniquement avec des lisiers et déchets. Ces CIVE sont cultivées pour alimenter les méthaniseurs, elles prennent la place de cultures vivrières. C'est le productivisme capitaliste appliqué à l'agriculture, tout le contraire de ce dont on a besoin.

Un autre modèle agricole, vite !

L'agriculture est une réponse au défi climatique. Stocker le carbone, enrichir les sols, favoriser la biodiversité, associer arbres, cultures et animaux sur une même parcelle… autant de pratiques d'une agroécologie paysanne, incompatibles avec le productivisme agricole actuel qui nécessite subventions publiques et surdosage chimique. Consultez nos propositions1 et réjouissons-nous de cette belle victoire : l’usine des 1000 vaches, c'est fini !