Comme dans d’autres régions de France, nous venons de vivre une période caniculaire exceptionnelle sur le centre-sud-ouest de la France, avec des thermomètres dépassant les 40 °C dans de nombreux départements.
Pour un mois de juin c’est inédit. Une canicule printanière, cela n’a rien de normal.
Une sécheresse historique
En Poitou-Charentes, une sécheresse historique est à l’œuvre. Le Mignon, rivière des Deux-Sèvres, était déjà partiellement à sec au mois de novembre dernier. En Charente, l’Aume, la Couture, la Bonnieure, sont très basses. Dans la Vienne, le Clain est dangereusement bas. Cela est le fruit de plusieurs facteurs, dont un manque criant de pluie. Mais c’est aussi précisément dans ces départements que des méga-bassines, des énormes retenues d’eau à ciel ouvert, sont déjà implantées. C’est ici aussi que des dizaines de projets d’autres bassines sont en route. Une bassine, c’est environ 10 stades de foot (10 hectares) sur 15 mètres de profondeur. Autant dire qu’il est impossible qu’elles soient remplies par l’eau de pluie. Il faut donc pomper dans les nappes pour les remplir… Une bassine c’est une privatisation d’un bien commun, l’eau, pour le bénéfice de quelques agriculteurs céréaliers, et le tout financé à 70-80 % par de l’argent public (une bassine coûte environ 1 million d’euros).
Nos départements du Poitou et des Charentes sont détériorés par l’agriculture intensive et les méga-projets inutiles comme la LGV SEA qui a détruit forêts, mares, ruisseaux… La Vienne et la Charente sont également traversés par la RN10 qui, gratuite, est empruntée par des milliers de camions chaque jour (10 000 camions traversent la Charente tous les jours et 25 000 véhicules en tout d’après la Charente Libre). Dans le même temps, le réseau ferroviaire continue d’être cassé, notamment la ligne Angoulême-Limoges qui a été fermée. Tous les ingrédients sont réunis (pollution chimique, gaz à effet de serre, captation de l’eau, agriculture intensive et peu diversifiée, pollution sonore…) pour un cocktail explosif.
Incendies, orages…
Les records de chaleur sont arrivés alors qu’il faisait déjà chaud depuis quelque temps. Dans la Vienne, cela a créé un risque d’incendie « le plus haut niveau jamais atteint pour un mois de juin » d’après Centre-Presse. Avec 38,8 °C à Cognac (16), on frôle le record absolu de chaleur dans la même ville, 40,3 °C, atteint en… 2019. Les conséquences ne se sont pas fait attendre : pas moins de 40 hectares de champs, sous-bois, haies, brûlés en Charente à l’heure où ces lignes sont écrites. À Saint-Amant-de-Boixe, 24 hectares sont partis en fumée. C’est une première. La forêt de la Boixe (2 000 hectares), extrêmement sèche elle aussi, a été épargnée. Mais jusqu’à quand ? Dans la Vienne, 26 hectares ont brûlé le 18 juin d’après la Nouvelle République, avec des embrasements dans 15 localités différentes. Dans les Deux-Sèvres, 13 feux ont été décomptés le 14 juin et 15 feux le 17 juin. En 2022, dans les Deux-Sèvres, 141 feux ont déjà été enregistrés contre 256 sur l’ensemble de l’année dernière (c’était une « petite » année) et 402 en 2020. Sachant que nous ne sommes toujours pas en été, il y a de quoi être très inquiets. Les agriculteurEs sont eux et elles aussi ennuyés car des céréales brûlent même si parfois les feux ne concernent que de la paille restée après la récolte.
Mais la question des incendies n’est qu’un élément. Le 5 juin dernier, nos départements ont enfin pu bénéficier d’un peu d’eau de pluie… mais sous forme de glace. Des orages violents se sont abattus sur les Deux-Sèvres, les Charentes, la Vienne, l’Indre… Dans certaines coins, des champs entiers ont été massacrés. Y compris des vignobles, notamment dans le Nord-Vienne. Et il y a fort à parier que les chaleurs du moment donneront lieu à d’autres orages, d’autres dégâts, et aussi à des inondations puisque l’eau ne s’infiltre plus dans un sol devenu dur et sec, avec de moins en moins d’arbres, de zones humides…
Trop tard pour être modérés !
Daniel Tanuro le dit avec humour et justesse : « Traditionnellement, si on peut dire, on avait des canicules estivales. Dorénavant, nous avons aussi des canicules printanières et automnales. Pour la canicule hivernale, attendre encore quelques décennies. Rien d’impossible sous le capitalisme ! » Ce que nous vivons ne tombe pas du ciel. Nous l’avons vu ci-dessus via des exemples concrets. Dans notre région nous pouvons rappeler d’autres projets délirants, comme la ferme-usine de 1 200 taurillons à Coussay-les-Bois (86) qui va elle polluer les nappes phréatiques abreuvant des milliers d’habitantEs, en plus de maltraiter des animaux pour produire une viande de piètre qualité. Nous pouvons aussi citer Imagiland à La Couronne (16) qui va bétonner une zone humide essentielle à quelques kilomètres d’Angoulême, pour faire du fric dans un parc d’attraction. À tous ces exemples, il y a un point commun : le capitalisme. L’urgence n’est pas dans la demi-mesure.
En réalité, il est trop tard pour être modérés. Il faut sortir du capitalisme et concrètement exproprier toutes ces entreprises polluantes et modifier le fonctionnement de la société. Si un retour en arrière semble improbable niveau climat, il est possible de limiter la casse en allant, pour le sujet qui nous concerne ici, vers une paysannerie bio, locale, des plus petites parcelles, avec des arbres, de l’humidité, avec une diversification des cultures, des cantines bios et gratuites, des transports doux, collectifs, gratuits... Une politique écologique qui n’est pas anticapitaliste, ça revient à planter du maïs dans le désert, sans source d’eau à proximité. Sauf que ce désert il est en train de se profiler, ici. Agissons et vite !